Le risque de chute est le principal motif d’admission aux urgences des plus de 65 ans ! Une personne sur deux de plus de 80 ans chute chaque année et une sur trois chez les plus de 65 ans1. Des solutions préventives proposées par certaines activités physiques offrent des aides précieuses.
Qui dit chutes dit généralement blessures, fractures et autres séquelles et/ou douleurs qui restreignent l’activité des seniors et entrainent parfois peur, baisse de confiance en soi et perte d’autonomie. Les chutes représentent un problème de santé publique connu à l’échelle mondiale, il s’agit de la deuxième cause de décès accidentel dans le monde d’après l’Organisation mondiale de la Santé (OMS).2En France « 2 millions de chutes de personnes âgées de plus de 65 ans sont responsables de 10 000 décès, la première cause de mortalité accidentelle, et de plus de 130 000 hospitalisations » annonce le Ministère chargé de l’autonomie dans son plan anti-chute des personnes âgées de février 2022.3
Les explications avancées pour expliquer les chutes sont multiples. L’avancée en âge et le vieillissement logique de l’organisme sont largement accentués par certaines problématiques de santé (troubles sensoriels, problèmes d’équilibre, musculaire ou articulaire, cardiaque, neurologique, etc.) qui peuvent se manifester par des vertiges ou perte d’équilibre ou nécessitent la prise de médicaments dont les effets secondaires jouent sur l’équilibre. Une alimentation déséquilibrée et/ou non adaptée à l’effort (dénutrition, déshydratation), une prise excessive d’alcool ou de substances psycho-actives, une mobilité réduite, un logement non adapté et encore tout simplement des conditions climatiques telles que le verglas font partie des causes répertoriées. La chute ne doit pas être minimisée, il est important d’explorer les causes afin de les traiter et de trouver des solutions préventives. Diverses interventions multifactorielles sont possibles, les activités physiques évoquées ici en font partie.
Qu’entend-on par activité physique ?
L’idée n’est pas ici de faire des performances mais bien de bouger ! Rappelons que l’activité physique se définit comme tout mouvement corporel induisant une dépense énergétique supérieure à la dépense énergétique de repos. Alors oui ! Le fait même d’être debout et debouger est une activité physique. Monter et descendre les escaliers, jardiner, bricoler, faire les courses, le ménage, promener le chien, sont autant d’activités physiques quotidiennes. Et le sport dans tout ça ? Le sport est une activité physique mais l’activité physique n’est pas forcément du sport...Aussi mince qu’elle puisse paraître la différence entre les deux existe bel et bien. Le sport est une discipline, une activité physique codifiée par des règles, des institutions telles que les fédérations, il se pratique généralement dans un objectif de performance, de compétition. Si certains Séniors ont effectivement une activité sportive notre propos ici est de soutenir l’activité physique et de lutter contre la sédentarité et l’inactivité physique (cf encadré).
Le Taï-chi-chuan pour prévenir les chutes
On ne compte plus le nombre d’études qui prouvent l’importance de l’activité physique dans la réduction des chutes. Une revue systématique incluant 116 études publiée en 2020 est un excellent exemple4. Une revue systématique publiée en 2017 a évalué les effets de programmes d’activité physique dans la prévention des chutes chez les personnes de plus de 60 ans vivant en résidence. Portant sur 3824 participants cette étude a retenu 18 essais randomisés. La pratique du taï-chi-chuan (cf encadré) montre des effets significatifs, réduisant de 20% le nombre de personnes qui chutent et le taux annuel de chutes de 31%. Le style Yang semble plus bénéfique que le style Sun et les résultats sont d’autant plus positifs que la fréquence hebdomadaire de pratique augmente.5Les auteurs concluent que de futures études sont nécessaires pour affiner l'intensité et les styles d'exercices et pour évaluer l'effet chez les personnes âgées atteintes de certaines comorbidités (accidents vasculaires cérébraux, maladie de Parkinson, etc.). En réduisant la perte d’autonomie physique le taï-chi Yang aide à prévenir les chutes accidentelles et leurs conséquences ainsi qu’à augmenter la stabilité du corps en position debout. Les postures et les mouvements qui associent des transferts du poids du corps d’une jambe à l’autre dans différentes directions accroissent à la fois la force musculaire, capacité de réaction en situation de potentiel déséquilibre confiance en soi pour se déplacer. Un essai randomisé a montré l’intérêt d’un programme de 12 semaines de taï-chi à raison de 3 séances hebdomadaires.6Le taï-chi tel que nous le pratiquons en Occident s’apparente à une gymnastique douce destinée à évacuer les tensions ou à faire circuler l’Energie, bien loin de l’art martial d’origine, d’une rare puissance. La pratique proposée aux Séniors se base sur des mouvements lents exécutés en conscience au ralenti afin de perfectionner le geste, la structure, l’enracinement. Cette pratique insiste sur le développement d’une force souple et dynamique, le relâchementpermet lafluidité des mouvements et leurscoordinations. Le taï-chi implique un travail sur l’énergie interne et la respiration, il renforce le bas du corps, améliore la posture, l’équilibre, la circulation, favorise la souplesse, augmente la conscience de la position du corps dans l'espace et l’attention, améliore la capacité à surmonter les obstacles en marchant et a des effets positifs sur la santé osseuse. Cette pratique procure une vraie sensation de détente, elle est très bénéfique pour abaisser les sensations de stress.
Les activités physiques adaptées (APA) qui font leur preuve
Une méta-analyse regroupant pas moins de 73 essais randomisés et 30 697 participants conclut que l’efficacité d’un programme repose sur la combinaison d’exercices physiques de renforcement musculaire, de contrôle anticipé, de stabilité, de réactivité et de souplesse7. Cinq programmes sortent du lot. Le Programme Otagopropose différents types d’exercices physiques ayant pour objectif l’amélioration de l’équilibre, le renforcement musculaire et la marche sécurisée. Le rythme est de 3séances en groupe par semaine, supervisées, pendant 6 mois. Le suivi est individualisé et accompagné d’un livret d’instructions illustré afin d’encourager la continuité de ces pratiques. La Méthode PEM-ES (Posture Équilibration Motricité-Éducation pour la Santé) Cette méthode qui allie activités motrices et éducation spécifique se déroule au rythme de 2 séances de 90 minutes par semaine sur 4 mois. Apprentissage de stratégies comportementales propices à la santé (alimentation, hydratation, sommeil, gestion du stress, aménagements du domicile, etc.), exercices personnalisés sur la posture, l’équilibre, le gainage, coordination, précision du geste, étirements, taches d’adaptation spatiale et temporelle, etc. Le Programme Ossebo se suit sur 2 années, il est divisé en 8 cycles de 3 mois. Une séance collective et une séance individuelle à domicile se déroulent chaque semaine. Adapté à chaque pratiquant ce programme est progressif. Echauffement, étirements, relaxation, partage d’expérience, exercices qui mobilisent la vue, l’attention, la coordination, l’équilibre, les appuis, la tonicité musculaire, etc. Le Programme PIED (Programme Intégré d’Equilibre Dynamique) se déroule sur 3 mois avec 2 séances supervisées par semaine. Ateliers de prévention des chutes et séances de groupe où se mêlent échauffement stimulant, exercices d’équilibre dynamique inspirés du taï-chi, renforcement musculaire et mobilisation articulaire, assouplissements. Ce programme est conçus pour des personnes autonomes qui ont obtenu un certificat médical les autorisant à la pratique du Sport. Le dernier est le Programme HIFE(High Intensity Functional Exercice). Il a été pensé pour les séniors vivant en résidence médicalisée. Sur une période de 4 mois, 32 séances supervisées de 60 min en petit groupe sont proposées. Exercices physiques sur l’équilibre et le renforcement musculaire des membres inférieurs variés dont l’apprentissage et l’entraînement hors séance est facilité par l’accessibilité d’un manuel en ligne.
Ces différents programmes doivent être suivis avec l’accord de votre médecin qui connaît vos problématiques de santé et la pratique encadrée par des professionnels tels que kinésithérapeute8, enseignant en activités physiques adaptées9 ou éducateur sportif formés à ces programmes.
Bougez-vous suffisamment ?
L’OMS recommandent aux plus de 65 ans de pratiquer au moins 30 minutes d’activités physiques d’endurance (intensité modérée) au moins 5 jours par semaine ou au moins 15 minutes 5 jours par semaine à intensité soutenue ou une combinaison des deux.10L’idéal est de compléter ce rythme par des activités de renforcement musculaire et de souplesse 2 ou 3 fois par semaine, et de pratiquer des exercices d’équilibre. En dessous de ces recommandations le niveau d’activité est jugé insuffisant, on parle d’inactivité physique. On la distingue de la sédentarité qui représente le temps passé assis ou allongé entre le lever et le coucher. Il est conseillé de passer moins de 8h par jour assis, couché ou en position debout statique entre le lever et le coucher (repas, déplacements motorisés, travail à un bureau, temps devant un écran, lecture, écriture, etc.) 11
Le taï-chi en deux mots
Les moines et guerriers taoïstes ont au cours des siècles perfectionné diverses méthodes pour la purification du corps et de l’esprit par la méditation, le mouvement et la respiration. L’ensemble des arts martiaux chinois découlent de ces techniques. Le Livre complet sur les exercices du tai-chi-chuan, écrit par Yang Chengfu (1883-1936)12, raconte que Zhang Sanfeng créa le tai-chi-chuan vers la fin de la Dynastie Song (960-1279). Ce fut la famille Yangqui fut à l’origine de la démocratisation de cet art. Le style Yang (du nom de son inventeur Yand Lu-Chan) fait partie des cinq styles majeur de tai-chi-chuan. le style Yang est le style le plus populaire, il privilégie les mouvements amples et les cercles verticaux. Les postures avec des bases larges facilitent l’ancrage. Il est néanmoins assez statique. Ce style facile convient aux débutants.
En savoir plus : infos utiles pour trouver les activités adaptées
Références documentées en partie issue de l’ouvrage du Pr G. Ninot, « 100 médecines douces validées par la Science », éd. Belin, 2021.
1https://www.ameli.fr/assure/sante/bons-gestes/seniors/prevenir-chutes-personnes-agees
2https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/falls
3https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/dp_plan-antichute-accessible28-02-2022.pdf?TSPD_101_R0=087dc22938ab200082dac4fb7347af9ec90ec4d04802459f02ca0f563b3cb16f6624f5f43b6f168008bab02ba0143000f6b20858acf09e61076af1887f06836966a0e26f5d7f3f39eabe2b7ef634d10c1974e5c988f6f0900c10582699d556c6
4 C. Sherrington, N. Fairhall, W. Kwok and al. « Evidence on physical activity and falls prevention for people aged 65+ years: systematic review to inform the WHO guidelines on physical activity and sedentary behaviour », Int. J Beh. Nutr. Phys Act 2020. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33239019/
5Z-G. Huang, Y-H Feng, Y-H Li and al, « Systematic review and meta-analysis: Tai Chi for preventing falls in older adults », BMJ Open.2017 https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5293999/
6 M.P Gallant, M. Tartaglia, S. Hardman and al ; « Using Tai Chi to Reduce Fall Risk Factors Among Older Adults: An Evaluation of a Community-Based Implementation », J Appl Gerontol 2019 https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28398129/
7K.M. Sibley, A.C.Tricco, A.A. Veroniki and al., « Comparative effectiveness of exercice interventions for preventing falls in older adults : A secondary analysis of a systematic review with network meta-analysis », Exp.Gerontol., 2021. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29114830/
8https://www.doctolib.fr/enseignant-en-activite-physique-adaptee-apa/directory
9https://www.sfp-apa.fr/annuaire/
10https://apps.who.int/iris/bitstream/handle/10665/337003/9789240014862-fre.pdf
11https://www.sports.gouv.fr/IMG/pdf/sport-_santeactivitephysique-sedentarite.pdf
12Y. Chengfu, « L’Essence du Taijiquan », première édition en français de la version chinoise de 1934, éd. Budo, 2012
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