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Photo du rédacteurNathalie Rigoulet

Elles nous pompent le sang pour notre bien : qui sont-elles ?


Utilisées en médecine depuis l’Antiquité, les sangsues, ces drôles de bestioles pas très avenantes ont des vertus médicinales qui passionnent le Dr Kaehler Schweizer, imminente spécialiste Suisse en hirudothérapie.

Mme Kaehler Schweizer, vous êtes devenue une des plus grandes spécialistes mondiale en hirudothérapie, pouvez-vous nous retracer votre parcours et nous expliquer comment vous vous êtes intéressée aux sangsues ?

J’ai suivi mes études de médecine à Paris puis en Suisse. De médecin généraliste je suis devenue psychiatre et me suis spécialisée en naturopathie en Allemagne dans les méthodes de dépuration : ventouses, saignées, sangsues, phytothérapie, diététique et thérapies par l’eau. J’ai commencé par lire la littérature française du XIXième siècle sur la thérapie par les sangsues puis j’ai été formée par le Dr Anselmi qui avait en Suisse la Clinique Al Ronc aux Grisons de médecine biologique où on utilisait sangsues, ventouses, parasynthèses...toute cette médecine biologique évacuatrice. J’ai fait la formation de médecine alternative allemande où les sangsues sont aussi enseignées, puis j’ai rencontré deux femmes en Allemagne qui vendaient des sangsues et qui donnaient des formations. L’une était médecin et l’autre Heilpraktiker 1. La rencontre de la spécialiste allemande Karla Moser en 2002 m’a donné envie d’en apprendre plus sur ces bestioles quelque peu déroutantes. J’ai commencé à apprécier les sangsues, à en importer légalement d’Allemagne, à les poser puis à donner des cours. J’ai sorti mon premier livre Thérapie par les sangsues 2en 2008 et je suis partie me perfectionner en Russie et en Lituanie auprès des plus grands spécialistes comme le Pr.Oleg Kamenev. J’ai rencontré là-bas labiologiste allemande Magdalene Westendorff qui avait fait la formation d’hirudothérapie à Moscou, on a écrit ensemble en langue allemande Hirudothérapie 3en 2013, réédité en 2021, ouvrage traduit en russe et devenu aujourd’hui une référence mondiale.

Si l’hirudothérapie est reconnue en Suisse, elle a mauvaise presse en France où les critiques sont sévères, la comparant souvent à du charlatanisme, comment expliquer une telle différence ?

C’est historique. Si les sangsues étaient déjà utilisées pendant l’Antiquité, elles connaissent leur heure de gloire grâce au Docteur Broussais qui défenda it l’idée que toutes les maladies proviennent d’une inflammation intestinale, une vision un peu simpliste...Il traitait tout par les saignées et les sangsues. Il pouvait faire des saignées d’un demi-litre et poser 20 sangsues sur le foie ! Il a fait la promotion des sangsues mais c’était trop, certains médecins pouvaient poser jusqu’à 100 sangsues par patient ! Résultats : des patients décédés et les lacs d’Europe vidés de leurs sangsues. Elles sont depuis classées parmi les animaux protégés. Les français ont été véritablement traumatisés, pensant que « les sangsues tuent », ça fait 200 ans et le traumatisme reste...En 1927 la médecine avec les sangsues avait complètement disparu car on avait découvert les microbes, mais Termier, un chirurgien français, a utilisé les sangsues sur les phlébites. Les Suisses et les Allemands se sont intéressés à cette publication et ont traité les patients avec les sangsues avec succès, les français n’ont pas suivi ! Les Russes qui avaient découvert les sangsues pendant les Campagnes Napoléoniennes ont étudié tous les livres de l’époque, ils ont commencé à traiter les patients avec les sangsues et ouvert une clinique en 1937 à Moscou. Ils sont les plus grands experts en thérapie par les sangsues.

L’hirudothérapie que vous pratiquez est-elle comparable à celle des Hôpitaux?L’hirudothérapie pratiquée à l’Hôpital est réservée à la chirurgie réparatrice et à la traumatologie. Les sangsues sont posées sur les greffes afin d’éviter le risque de nécrose par congestion veineuse, elles empêchent le sang de coaguler, c’est la seule méthode qui fonctionne. Moi je pratique l’hirudothérapie de médecine complémentaire.

Pour quelles indications médicales les sangsues sont-elles conseillées ?

En Cabinet on traite efficacement les bleus, hématomes, entorses, abcès, furoncles, panaris, acné...mais les sangsues sont incroyables quand il s’agit de traiter l’arthrose du genou et du pouce, ça marche à 80 % ! beaucoup moins de douleur et plus de mobilité. De nombreuses publications appuient ces résultats 4. Ça fonctionne aussi avec l’arthrose du coude et de l’épaule mais c’est moins probant pour l’arthrose de la hanche. Les sangsues traitent aussi les tendinites, le tennis elbow (épicondylite) et apaisent les douleurs des varices et autres maladies veineuses. Ça fonctionne aussi sur les migraines qui sont souvent en lien avec un déséquilibre du foie et du rein, on traite donc ces deux organes. Parodontoses, glaucomes et otites chroniques sont également améliorées par les sangsues ainsi que le traitement des problèmes de foie. Les résultats sont intéressants sur les troubles gynécologiques (aménorrhées, douleurs prémenstruelles, stérilité) mais ce sont les Russes qui pratiquent plus spécifiquement ces soins. Je pense sincèrement que les sangsues sont une bénédiction contre l’arthrose et la tendinite, ne pas poser de sangsues c’est passer à côté d’une thérapie très efficace.

Quelles sont les contre-indications ?

Les troubles de la coagulation, l’hémophilie, les personnes anticoaguléees traitées au Sintrom ® ou au Marcoumar ® par exemple, la grossesse et les règles, les personnes immunodéprimées.


D’où viennent les sangsues que vous utilisez ?

Nous avons notre propre élevage de sangsues, c’est mon mari qui s’en charge au sein de notre Société Hirumed. Les sangsues sont des animaux protégés selon la Convention de Washington, les nôtres sont exclusivement vendues en Suisse. Des permis spéciaux sont obligatoires si les sangsues doivent être importées ou exportées.

Comment peut-on expliquer l’efficacité des sangsues ? De quoi est composée leur salive ?

Quand la sangsue mord le patient, son but est de se régaler au maximum de son sang.L’organisme du patient met en route des mécanismes de coagulation pour refermer la blessure mais la sangsue ne se laisse pas faire et envoie des substances anesthésiantes et anticoagulantes afin que le sang reste fluide. L’organisme du patient réagit par une action inflammatoire pour éjecter la sangsue qui elle, de son côté contrecarre cette agression en envoyant des substances anti-inflammatoires...Victorieuse, la sangsue pompe le sang nécessaire et se détache lorsqu’elle est repue ! Sa salive est un cocktail de substances biologiquement actives qui peuvent notamment empêcher la formation d’une thrombose mais aussi dissoudre un caillot déjà formé. On parle souvent de l’hirudine, une petite protéine 20 fois plus efficace comme anticoagulant que l’héparine. Jusqu’en 1935 on pensait vraiment que c’était l’hirudine qui faisait tout puis une chercheuse Russe a découvert beaucoup d’autres substances anticoagulantes et anti-inflammatoires très intéressantes. On en connaît une quarantaine mais il reste beaucoup à découvrir puisqu’il en existerait plus d’une centaine. On ne sait pas comment toutes ces substances jouent entre elles, leur mode d’action. Une information est donnée dans le corps et le corps fait le reste...Beaucoup de recherches se penchent sur la question. Précisons que poser des sangsues ne fait pas mal, la sensation est équivalente à une piqûre d’ortie qui dure deux minutes. C’est la salive de la sangsue qui donne cette impression, la salive dissout le tissu sous-cutané, ça brûle légèrement et après elles mettent un anesthésique et la sensation désagréable s’arrête. Même les enfants supportent !

Quelle est la durée d’une séance et son tarif ?

Une séance dure de 1h à 3h. Pour un abcès par exemple ça peut aller vite mais pour traiter le foie ça dure presque 3h. Pour traiter l’arthrose du genou environ 1h à 1h30. La première séance est toujours plus longue. Le tarif est de 140 euros (150 francs suisse) auquel s’ajoute 18 euros (20 francs suisse) par sangsue. Il y a généralement pas moins de trois sangsues, entre trois et six par séance. Selon les cas il faut ou non plusieurs séances. Les Caisses de maladie complémentaires en Suisse remboursent à hauteur de 70 à 80 % du prix.

Que deviennent les sangsues après la séance ?

Les sangsues sont élévées avec du sang biologique (sang de mouton) et bichonnées, elles n’ont pas de prédateurs. Une fois qu’elles ont fait leur boulot sur les patients on les congèle afin qu’elles aient une mort douce.

Comment choisir un thérapeute en hirudothérapie ?

Il est impératif que le thérapeute soit reconnu par le RME et ou l’ASCA et qu’il ait suivi une formation complète en hirudothérapie telle que celle organisée par l’Académie Européenne d’Hirudothérapie5. Les thérapeutes formés sont recensés dans le registre du RME 6 qui assure leur qualité. Beaucoup d’entre eux ont leurs coordonnées recensées sur le portail de santé www.gesund.ch.

Vous enseignez la thérapie par les sangsues, pouvez-vous nous en toucher deux mots ?

L’Académie Européenne d’Hirudothérapie organise deux formations, une en Suisse Allemande à Wil/SG et une en Suisse Romande à l’Institut Suisse de Santé et Longévité à Bex/VD 7, il n’en existe pas en France. La formation dure 50h ; elle est ouverte aux médecins, physiothérapeutes, infirmières et Heilpraktikers et tout thérapeute reconnu par le RME. Il faut avoir au minimum une formation de 600 h en anatomie et pathologie. La Formation est reconnue par les Caisses de maladie suisses.



Sangsue, du latin sanguisuda « je suçe »

La sangsue est un animal invertébré qui possède des anneaux musculaires lui permettant de se déplacer, elle mesure environ 3 cm au repos à l’âge adulte. À chacune de ses extrémités, elle possède une ventouse, l’une postérieure qui lui permet de se fixer sur sa proie, une antérieure entourant la bouche et les trois mâchoires rétractables chacune munie d’une rangée de dents (240 petites dents capables de cisailler la peau). Elle peut sucer la valeur de 5 à 10 fois son poids en sang et vivre sans manger jusqu’à 700 jours !


En savoir plus :

littérature et articles scientifiques sur les sangsues : https://www.leeches.ch/literaturf/

1Heilpraktiker : terme qui désigne le naturothérapeute en Allemagne. Formation pluridisciplinaire très réglementée.

2Thérapie par les sangsues-Secrets et bienfaits de l’hirudothérapie, Dr D. Kaehler Schweizer, Ed. Jouvence (épuisé)

3Hirudothérapie, D. Kaehler Schweizer, M. Westendorff, Ed. Belisana Verlag (édité en allemand)

4https://www.leeches.ch/literaturf/

5https://hirudotherapie.org

6 www.rme.ch

7https://www.naturopathie-traditionnelle.com/hirudotherapie-sangsues

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