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L’EMDR, une psychothérapie internationalement reconnue

Traitement de choix pour le trouble de stress post-traumatique, L’EMDR est devenue ces dernières années une psychothérapie très demandée. Comment bouger les yeux de droite à gauche et de gauche à droite peut-il aider à surmonter un traumatisme, traiter des troubles anxieux, dépression, phobies, douleurs chroniques...? Laurence Goldschmidt, psychologue et thérapeute EMDR répond à nos questions pour y voir plus clair.


EMDR est l’acronyme anglais de « eye-movement desensitization and reprocessing » traduit en français par « désensibilisation et retraitement par les mouvements oculaires ». On doit auDocteur en psychologie américaine Francine Shapiro, membre du Mental Research Institute de Palo Alto, la découverte en 1987 de cette étonnante technique qui peut stimuler un mécanisme d’auto-guérison. Elle obtient pour cette découverte en 1994 le Distinguished Scientific Achievement in Psychology Award, de l’Association californienne de psychologie et, en juin 2002, le prix Sigmund-Freud, décerné à la fois par l’Association mondiale de psychothérapie et par la ville de Vienne. Ce sont les mouvements oculaires ou des stimulations bilatérales déclenchant un mécanisme neuro-émotionnel qui vont permettre de dépasser certains vécus traumatiques enfouis et responsables de symptômes qui rendent la vie des personnes très pénible. La thérapie EMDR a fait l’objet de nombreuses études scientifiques internationales.1Elle est reconnue dans le traitement du trouble de stress post traumatique par l’OMS (2013), l’INSERM (2004 et 2015) et la Haute Autorité de la Santé (2007).2


La petite histoire

Après avoir développé un Cancer Francine Shapiro s’intéresse à la psycho-neuro-immunologie (particulièrement à l’effet du stress sur le système immunitaire) et aux relations Corps Esprit. Elle raconte qu’en mai 1987, alors qu’elle marchait dans un parc, en proie à des pensées négatives avec les émotions associées...« J’ai remarqué que certaines pensées perturbantes avaient soudainement disparu. (…) Fascinée, j’ai commencé à porter attention à la manière dont cela se déroulait et j’ai remarqué que j’avais spontanément bougé mes yeux, horizontalement et en diagonale, le long du chemin. (…) En pensant alors délibérément à différentes pensées perturbantes, des souvenirs difficiles, et en bougeant les yeux, je me suis rendue compte que ces pensées disparaissaient également et que les souvenirs perdaient de leur charge émotionnelle ».3 Cette histoire marque le début du développement d’une procédure très précise et d’un long travail d’évaluation de centaines de cas cliniques.


Mme Goldschmidt, pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?


Je suis psychologue et je pratique l’EMDR à Montpellier depuis plus de 20 ans. J’ai été formée par David Servan-Schreiber fondateur de EMDR France, puis je me suis ouverte à d’autres techniques telles que la psychothérapie psychosomatique, la psychologie énergétique, la danse thérapie, les soins énergétiques...qui complétent l’EMDR et contribuent à débloquer des situations complexes. La thérapie EMDR est très efficace sur des traumatismes simples mais dès que l’on rencontre des traumatismes complexes l’EMDR ne suffit pas.


En quoi consiste l’EMDR ?

C’est une méthode d’auto-guérison naturelle qui permet de traiter des évènements traumatisants de la vie que les patients n’ont pas évacués, pas digérés. Les digérer ne signifie pas les mettre à distance et ne plus les voir, mais bien les intégrer afin de dépasser et réutiliser l’énergie qui était restée bloquée par les traumatismes. Ça permet de se libérer de schémas enfermants, limitatifs voire bloquants qu’on appelle les croyances négatives qui renferment les émotions et schémas que l’on rejoue. Les croyances limitantes nous enferment dans des situations qui se répètent ou nous font attirer les mêmes personnes (exemples : agressions, schémas d’impuissance, relations toxiques…). La charge émotionnelle qui a été ressentie au moment du traumatisme demeure toujours active dans le présent. Le travail en EMDR permet de séparer le contenu du souvenir de sa charge émotionnelle en lui permettant d’émerger à la conscience. Nous pouvons ainsi travailler avec le souvenir pour transformer la réponse émotionnelle qui lui est associée.


Comment ça marche ?

Le principe est de stimuler les deux hémisphères cérébraux, soit par des mouvements occulaires, méthode enseignée au départ, soit par des tapings, des tapotements que je fais personnellement sur les genoux mais qui peuvent être faits sur les épaules. Certains encore utilisent des tonalités auditives. La personne peut se les faire elle-même entre les séances s’il y a des remontées émotionnelles. Cette stimulation des deux hémisphères cérébraux va entraîner petit à petit leur reconnection. Les informations d’un hémisphère passent dans celui opposé, entraînant la projection devant soi sur l’écran mental. Le processus à l’oeuvre est comparable à celui du sommeil paradoxal, il contribue à transformer le mode de stockage des souvenirs d’un hémisphère à l’autre, à enrayer leur charge émotionnelle et à les transformer en épisodes verbalisables. Les images de rêves sont des projections issues de la reconnection entre les deux hémisphères cérébraux. Les rêves, si la personne s’en souvient, permettent d’observer comment le travail évolue entre les séances. Une expérience négative peut avoir été si dérangante qu’elle a perturbé le traitement de l’information par le cerveau. La mémoire a stocké l’expérience avec les émotions, sensations et croyances négatives associées. L’EMDR permet d’accéder à ces dernières et à les changer en émotions, sensations et croyances positives. La façon dont le souvenir traumatique est stocké dans le cerveau est modifié de manière à ce que le négatif ne puisse plus être réactivé. C’est l’ensemble des procédures et protocoles associés aux stimulations bilatérales qui donnent des résultats.


Dans quelle situation peut-on faire appel à l’EMDR ?

Autrefois l’EMDR était uniquement préconisée pour les traumas. Aujourd’hui, dès que les personnes rencontrent des difficultés émotionnelles, qu’elles se sentent bloquées dans leur vie et/ou parfois qu’elles ont des maladies auto-immunes, psychosomatiques, des cancers, qu’elles se sentent dans une impasse, qu’elles ont tout essayé, alors en dernier recours elles se tournent vers l’EMDR. Elles ont entendu dire que ça pouvait guérir des blessures, elles ont l’espoir de guérir leur maladie et de ne plus avoir de symptômes. L’EMDR ne guérit pas tout, elle amène sur le chemin de la guérison et a, selon les situations, besoin d’être accompagnée d’autres techniques. L’EMDR n’est qu’un outil, l’acteur principal reste le patient.


Précisions : Au-delà des traumas

L’EMDR est aujourd’hui utilisée avec succès auprès de patients présentant des : troubles anxieux, dépression, phobies, troubles panique, addictions, troubles du comportement alimentaire, troubles obsessionnels compulsifs, douleurs chroniques, migraines, dysfonctionnements sexuels, en thérapie familiale, etc., mais également des problématiques plus larges telles qu’un manque d’estime de soi, des difficultés d’engagement, un problème d’insécurité…4


Comment se déroule une séance ?

Je prends trois séances (de 1h à 1h30) avec le patient pour faire son anamnèse complète : histoire de vie, famille, valeurs éducatives ressources, schémas répétitifs qui sont là depuis l’enfance et que je mets en intéraction avec les problématiques parentales et ce que la personne vit au moment présent. Parfois le trauma n’est pas visible mais en parlant de l’histoire du père et de la mère on peut s’apercevoir par exemple que le père au même âge a vécu des choses comparables (ex : déracinement, émigration, etc.). Il y a des âges clefs et des choses se transmettent de génération en génération. La quatrième séance est consacrée à l’installation des ressources avec l’EMDR, ce qui permet au patient de voir comment ça fonctionne. Si le thérapeute travaille avec le mouvement des yeux, il demande alors au patientd’accomplir une tâche telle que suivre un stylo des yeux de droite à gauche et gauche à droite.Installer des ressources c’est installer un lieu sûr, un endroit, un espace en la personne où on active la reconnection cérébrale. C’est une façon de se reconnecter avec soi-même dans un espace qu’on construit métaphoriquement. Ça peut être une plage, une cabane dans les arbres, une maison...et à chaque fois que la personne va aller mentalement dans cet endroit là, la reconnection cérébrale s’active. La personne doit se sentir bien, seule avec elle-même dans son lieu sûr, en sécurité. J’incite le patient à rejoindre ce lieu sûr en dehors des séances afin que le travail progresse plus vite. Entre deux séances il peut y avoir des remontées émotionnelles qui seront alors mieux accueillies laissant le cerveau faire son travail de retraitement de jour comme de nuit. Une fois que le lieu sûr est installé, que la personne est stabilisée et qu’elle arrive à y aller régulièrement, on élabore un plan de ciblage, ce qui va faire l’objet du début du travail. Si par exemple la cible est «une mère toxique », on va travailler la relation à la mère toxique, et progresser vers la désensibilisation.


Combien de temps dure un suivi EMDR ?

Il est impossible de donner une durée. Un trauma qui peut paraître simple et facile à travailler en surface peut amener d’autres traumas plus anciens qui remontent en même temps, des carences affectives et des constructions limitantes qui étaient présentes bien avant. Dans ce cas, il faut aller étayer la personne avec des ressources puis ensuite seulement revenir sur le trauma. Le but n’est pas de submerger la personne et de la bloquer, il s’agit de s’assurer que la personne a les ressources au fur et à mesure pour y faire face.

Un trauma simple c’est une personne qui a une vie équilibrée, qui n’a pas vécu de choses difficiles et qui va par exemple vivre un accident de voiture traumatisant avec peur de la mort. Dans ce cas une séance ou deux peuvent suffire. Pour d’autres personnes ça peut durer six mois, un an, deux ans en sachant que les séances sont espacées de deux semaines, trois ou quatre selon les situations, la stabilité et la sécurité du patient. Plus le patient va régulièrement dans son lieu sûr entre les séances et suit les exercices conseillés (enracinement, alignement) plus le travail peut se faire facilement et ne nécessite pas de séances rapprochées. La personne va pas à pas se positionner au sein de son chemin de vie et être créatrice de sa vie.


Est-ce que tout le monde peut suivre une thérapie EMDR ? Existe-t-il des effets négatifs ?

L’EMDR fonctionne avec les patients de tout âge. Pendant la thérapie EMDR la personne est mise à nu et donc plus vulnérable, il est donc important de choisir le bon moment pour faire ce travail. Il y a des émotions fortes qui remontent, pendant les séances et parfois aussi en dehors des séances donc selon comment la personne est préparée, stabilisée, sécurisée elles peuvent être plus ou moins bien accueillies. Avec le travail en cours, il peut aussi il y avoir une recrudescence des symptômes (par exemple de l’eczéma, des douleurs chroniques). La thérapie peut aussi causer l’émergence spontanée d’autres traumas oubliés.


Précisions : EMDR et traumatismes complexes

Certains troubles comme les troubles dissociatifs demandent beaucoup de vigilance et de préparation, le thérapeute doit être bien formé afin de pouvoir faire face à d’éventuelles manifestations.Le Dr Alain Brunet, Docteur en psychologie spécialisé en santé mentale à l’Institut Douglas de Montréal, a consacré sa carrière professionnelle à étudier le stress post-traumatique (ESPT), ilévoque la contre-indication principale de l’EMDR : « Je suis plus circonspect, en revanche, en ce qui concerne les traumatismes complexes, en particulier lorsqu’ils ont eu lieu dans l’enfance et ont affecté en profondeur le développement psychique de la personne. Car ce type de trauma a des répercussions à de nombreux niveaux, affectant la personnalité, les modalités d’attachement, etc. (…) Lorsque l’événement traumatique a engendré des troubles profonds, l’EMDR n’est pas sans risque et mieux vaut l’éviter. Les séances peuvent en effet entraîner des épisodes dissociatifs sévères, qu’il est ensuite difficile de traiter ».5


Peut-on faire des exercices chez soi ?

Je donne des exercices à faire aux personnes que je suis en thérapie mais on ne peut pas pratiquer de l’auto-EMDR. Par contre tout ce qui ramène au corps facilite le travail. Je conseille à mes patients au cours du suivi de faire une séance d’ostéopathie ou de thérapie énergétique afin de réharmoniser les énergies. Plus la personne va revenir dans son corps entre les séances mieux ce sera car ainsi elle donne moins de crédit à sa tête. Faire du sport, du yoga, chanter, danser, faire des balades nature, etc. S’ancrer dans son corps tout simplement. C’est un chemin vers soi qui peut prendre du temps, se donner ce temps c’est déjà s’aimer en vue de changer.


Précisions : Se laisser guider par Francine Shapiro

Dans son ouvrage « Dépasser le passé, se libérer des souvenirs traumatisants avec l’EMDR », F. Shapiro relate de nombreux cas résolus par l’EMDR et guide les lecteurs vers une meilleure compréhension de leurs réactions, elle propose des pistes pour modifier leurs comportements et prendre leur vie en main. Un livre pratique qui va à la découverte de soi. 6


Auriez-vous des conseils à donner aux lecteurs.rices ?

La guérison vient d’abord de soi. Il est parfois incontournable de changer fondamentalement ses croyances, sa manière de se considérer, de se repositionner dans sa vie. Vouloir guérir est une chose mais changer en est une autre. Changer demande de se responsabiliser, d’accepter de faire face à toutes les zones d’ombres et de tensions, on ne peut pas faire l’économie de ça même avec l’EMDR. Je déconseille aux personnes trop dans le mental de lire et d’essayer de comprendre la technique car si on essaie de tout décortiquer et tout comprendre de l’EMDR une résistance peut s’opérer. Il est important de se reconnecter au corps et aux émotions ; il faut ressentir pour éprouver ce qui a été vécu et enregistré à l’époque pour le digérer et le dépasser complètement. L’EMDR ne s’improvise pas, il est primordial de choisir un thérapeute ayant suivi un cursus validé par EMDR France.7


En savoir plus : F.Shapiro, M. Silk Forrest, « Des yeux pour guérir », éd.Points, 2014.




3F. Shapiro, «  Eye Movement Desensitization and Reprocessing: Basic Principles, Protocols and Procedures », New York: Guilford Press, 1995 (1st Edition).

6F.Shapiro, « Dépasser le passé, se libérer des souvenirs traumatisants avec l’EMDR », éd. Points, 2018.

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