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Photo du rédacteurNathalie Rigoulet

La biodiversité des espèces vénimeuses, une fabuleuse trousse à pharmacie

Dernière mise à jour : 29 mars 2022

Parler venin donne froid dans le dos ! On pense forcément aux bestioles pas très avenantes (serpents, lézards, abeilles, quêpes, scolopendres, scorpions, mollusques, etc. ) et à leurs piqûres ou morsures plus ou moins dangereuses ou mortelles...Pourtant les toxines produites par les espèces venimeuses sont si puissantes que certaines servent de bases pour le développement de médicaments.


Un grain de folie qui pourrait bien sauver des vies


Steve Ludwin est un Britannique un brin original ! Il s'injecte depuis la fin des années 80 des venins de serpents qu'il a préalablement extraits. Une pure folie qui n'est pas sans risque mais qui attise l'intérêt des chercheurs en quête d'antivenin. Son obsession des serpents et sa manie de s'injecter leurs venins lui ont valu des accidents et une overdose sévère ! Vous l'aurez compris son exemple n'est pas à suivre...Depuis 2013 des chercheurs de la Faculté de Santé et de Sciences médicales de l'Université de Copenhague s'intéressent de près à son cas afin de mettre au point le premier antivenin d'origine humaine. Et bien c'est chose faite, ils ont en 2020 déposé un brevet basé sur un peptide capable de neutraliser une toxine présente dans 75% des venins de serpents. Leur étude a été publiée dans le Journal of Medicinal Chemistry. Serpentides, le nouveau traitement mis au point par Brian Lohse et son équipe est rapidement synthétisable dans un laboratoire standard, facilement administrable grâce à une unité d'injection automatique à l'endroit de la piqûre, moins coûteux qu'un antivenin standard qui coûte entre 1700 et 2600 euros par personne et de qualité. Ce nouvel antivenin ralentit la propagation du poison dans les muscles jusqu'aux veines, laissant le temps à la personne mordue de se rendre à l'hôpital le plus proche : une avancée primordiale qui pourra sauver des milliers de vies.

De quoi sont constitués les venins ?

En biologie animale, on appelle « venins » des poisons d’origine animale représentant des armes d’attaque ou de défense envers un animal d’une autre espèce ou envers l’homme. Pour faire simple, les venins sont le plus souvent des substances complexes formées par sécrétion. Ils sont constitués de nombreuses substances dont les toxines qui ont une action nocive. Parmi les autres substances se mélangent enzymes, amines biogènes (sérotonine, histamine, etc.), ions, protéines, voire des antibiotiques (peptides antibactériens) et facteur de croissance (NGF).

Comment est fabriqué un antivenin ?

Le premier sérum antivenin de serpent a été mis au point par le biologiste et médecin Albert Calmette à l'Institut Pasteur en 1863. Le procédé est relativement simple : les scientifiques prélèvent le venin puis l'injecte en faible quantité à des animaux tels que les chevaux, des moutons, des chèvres ou des lapins. On récupère ensuite une partie du sang de l'animal dans lequel on traque les anticorps spécifiques au venin (c'est le même principe que le vaccin, mais sur des animaux). Ces anticorps sont le principal constituant du sérum qui est ensuite stocké dans un flacon ou une ampoule injectable. Le processus est long et nécessite des centaines de serpents et d'animaux pour produire des stocks d'anticorps suffisants pour répondre à l'énorme demande dans certaines régions du globe.

Le Brésil se positionne face à la pénurie mondiale d'antivenin

L'Institut Butantan de Sao Paulo au Brésil produit des antivenins puis les distribuent à travers le pays dans les dispensaires qui reçoivent chaque année des milliers de personnes mordues par des serpents venimeux. Cet Institut récolte les venins et sécrétions d'environ cinquante espèces animales (serpents, araignées, scorpions, chenilles, sangsues, tiques, amphibiens, etc.) et élabore des sérums qui sont ensuite envoyés à l'étranger , s'inscrivant dans le plan de l'OMS qui souhaite une accélération de la production d'antivenins.

L'OMS, des chiffres qui affolent

L'OMS déclare en 2018 qu'entre 1,8 et 2,7 millions de personnes sont mordues par des serpents venimeux chaque année et qu'entre 81000 et 138000 en meurent, sans parler de ceux qui survivent avec des séquelles importantes dues aux toxines. La majorité des victimes appartenant à des communautés pauvres l'OMS demande d'améliorer l'accès à des antivenins de qualité et accessibles. L'OMS rappelait déjà en mai 2010 l'urgence de pallier au manque de serums antivenins. S'il faut évidemment améliorer l'accès aux antivenins, à titre de comparaison on compte 372000 décès par noyade dans le monde, soit environ 3 fois plus.

Voyons le bon côté des choses : à certaines doses les molécules toxiques des venins peuvent être bénéfiques pour la santé

La recherche médicale puise dans les venins des 173 000 espèces animales venimeuses recensées pour comprendre leur mode opératoire. Les chercheurs tentent d'isoler la molécule active du venin, de neutraliser les effets toxiques et enfin d'utiliser la molécule active contre un symptôme défini. Seules quelques milliers de toxines sont à ce jour identifiées parmi les dizaines de millions de toxines existantes. Les quantités de venin produites étant bien trop infimes, les laboratoires reproduisent les toxines avec des molécules de synthèse. Les venins sont entre autres porteurs d'espoir dans la lutte contre la douleur, le diabète, les maladies cardiovasculaires, neuro-dégénératives, certaines maladies auto-immunes et les maladies rénales. Si vous souffrez de certaines pathologies peut-être prenez-vous des médicaments à base de venin, sans le savoir...Voici quelques exemples d'études parmi le flot de recherches en cours.

Les toxines de mollusques cent fois plus puissantes que la morphine

Parmi les médicaments encore très peu nombreux, déjà sur le marché, le Tirofiban élaboré à base de venin de serpent est prescrit pour prévenir les risques d'infarctus du myocarde. Byetta utilisé dans le traitement du diabète de type 2, utilise des molécules issues de la salive du monstre de Gila, un lézard vivant au sud des États-Unis et au nord du Mexique. Une molécule du venin de l'anémone soleil pourrait aider à traiter l'obésité et la résistance à l'insuline à l'origine du diabète de type 2. Les cônes marins ont un venin qui contient des peptides bioactifs aux pouvoirs antalgiques beaucoup plus puissants que la morphine ou autres traitements utilisés contre les douleurs neuropathiques et chroniques intenses.

Le venin d'araignée contre les effets dévastateurs des AVC

Les chercheurs de l'Institut de bioscience moléculaire de l'Université de Queensland ont mis à jour une protéine Hi1a extraite du venin mortel d'une araignée australienne qui a des vertus neuroprotectrices. Elle bloque l'action d'une protéine à l'origine des dommages neuronaux rencontrés après un AVC. Ce remède peut être administré jusqu'à huit heures après l'attaque cérébrale et réduit de 65% à 80% les lésions cérébrales.


Le Viagra peut aller se rhabiller

Des chercheurs brésiliens ont utilisé du venin d'araignée banane pour mettre au moint un médicament contre les troubles de l'érection. Ils se sont intéressés au fait que la morsure de cette araignée provoque chez l'homme des érections longues et douloureuses qui finissent par le tuer ! Le gel a fait ses preuves sur les rats et des études sont en cours chez l'homme.

Le venin d'abeille qui booste la dopamine, une piste intéressante pour lutter contre la maladie de Parkinson

Des chercheurs du programme français Dhune (Centre d'excellence dédié aux maladies neuro-dégénératives basé à Marseille) ont découvert que l'apamine, une neurotoxine présente dans le venin d'abeille intensifie de manière significative des neurones à dopamine et augmente sa sécrétion. Une découverte intéressante pour la maladie de Parkinson qui se caractérise par la perte progressive des neurones produisant la dopamine, responsables de troubles moteurs. L'apamine améliore les troubles moteurs mais également cognitifs et émotionnels. D'autres études montrent l'intérêt des venins de scorpion et de vipère pour soigner la maladie de Parkinson.

L'Europe dans la course aux venins avec son projet Venomics

Depuis 2011 des équipes de recherche française, espagnole, portugaise, belge et danoise récupèrent le venin d'espèces animales (serpents, araignées, scorpions, fourmis, anémones de mer, poissons pierres…actuellement 203 espèces étudiées) en provenance du monde entier. Dans une ferme quelque peu inhabituelle au Sud de la Belgique, environ 3500 peptides, molécules qui constituent les toxines ont été synthétisés en laboratoire, une Banque de toxines que chercheurs et industries pharmaceutiques utilisent pour tester leurs effets sur certaines pathologies telles que le diabète et l'obésité.

Les cosmétiques s'emparent des venins ! Les venins de serpent et d'abeille mieux que le botox ?

Sur le papier les nouvelles crèmes anti-rides à base de venin de serpent sont le top des cosmétiques ! Leur plus est dû à un composé unique appellé tripeptide, molécule qui a un effet relaxant musculaire très efficace contre les rides et ridules et qui booste le collagène. Appropriée à tout type de peau, elle n'occasionnerait, contrairement au botox, aucun effet secondaire. Enfin ça, ce sont les arguments marketing qui surfent sur la mode « nature » parce qu'en guise de venin naturel ces fameux cosmétiques utilisent un venin de serpent de synthèse ! Dans le même genre la toxine melitine du venin d'abeille utilisée dans certaines crèmes augmente le flux sanguin et stimule la production de collagène et d'élastine. N'oublions pas que l'utilisation des abeilles vivantes pour leur dard pose un problème éthique et écologique. Le dard des abeilles est accroché à leur système digestif et s’arrache de leur corps après piqûre, ce qui cause leur mort. Est-il bien raisonnable de mettre en péril tant d'abeilles que l'on sait indispensables à notre survie pour des masques et autres crèmes de beauté qui contiennent si peu de venin que le résultat est bien décevant ! Si la marque Abellie spécialisée dans les cosmétiques bio à base de produits de la ruche tire son épingle du jeu, j'ai eu beau chercher dans la multitude de marques « au venin » je n'ai rien trouvé de probant qui justifierait l'utilisation de telle marque plutôt qu'une autre...

L'apipuncture, une pratique controversée aux résultats encarageants

Elle consiste à utiliser les produits récoltés, transformés ou sécrétés par l'abeille (miel, propolis, pollen, gelée royale et venin) à des fins diététiques et thérapeutiques. L'apipuncture consiste à faire pénétrer le venin secrété à partir de la glande à venin de la partie postérieure des abeilles ouvrières dans l’organisme humain par la piqûre d’abeille. A l’aide d’une pince, des abeilles vivantes sont déposées sur la peau du sujet sur les zones douloureuses ou encore sur des points d’acupuncture. Chaque piqûre injecte de l’ordre de 0,1 à 0,5 mg de venin. Pour éviter tout risque de choc anaphylactique, l’usage de venin devrait se faire sur prescription médicale et sous surveillance rigoureuse, précautions malheureusement souvent négligées ! Personnes allergiques aux piqûres s'abstenir ! Le venin est bactéricide, bactériostatique (inhibe la multiplication des bactéries), antifongique, antibiotique et allergisant… Son action anti-inflammatoire est la base de la « bee venom therapy » (BVT) développée aux USA. Le venin d'abeille aurait un potentiel avantageux dans le traitement de l'inflammation (particulièrement efficace contre les rhumatismes) et des maladies du système nerveux central (Parkinson, Alzheimer, etc.). Il a également montré des avantages prometteurs contre différents types de cancer et le virus de l'immunodéficience humaine (VIH). . La méthode d'administration de ce remède naturel ancestral reste controversée et il n'existe pas de diplôme officiel pour pratiquer cette méthode, soyez donc très prudent dans le choix de votre thérapeute...

D'un point de vue purement pratique faisons le point sur les gestes et pratiques à adopter en cas de piqûres.

L'aspivenin info ou intox ?

Il semble bien qu'il fasse partie des produits controversés qui ne font l'objet d'aucune preuve scientifique...L'aspivenin serait assez efficace avec les morsures d'araignées et les piqûres d'insectes s'il est utilisé immédiatement après la piqûre ou morsure ! Mais même à ce propos les avis diffèrent... Les études s'accordent sur le fait qu'il est inefficace pour les morsures de serpent, il peut même aggraver les lésions et retarder la prise en charge qui doit se dérouler au plus vite. Les techniques d'aspirations sont fortement déconseillées par la Direction Générale de la sécurité civile en France.

Que faire en cas de piqûres ?

En cas de piqûres d'abeille, de guêpe, de bourdon et de frelon, les plus répandues dans nos campagnes, une simple réaction locale nécessite rarement l’intervention d’un médecin, par contre les réactions toxiques et allergiques sont des urgences médicales pour lesquelles une hospitalisation est souvent nécessaire. Les abeilles laissent l’aiguillon et la glande à venin accrochés à la peau, retirez rapidement le dard avec l’ongle ou avec le bord non tranchant d’un couteau, n’utilisez pas de pincette car la glande à venin pourrait éclater et libérer encore plus de venin. Désinfecter à l'eau et au savon et appliquez une solution antiseptique. Vous pouvez appliquer du vinaigre pur qui va neutraliser l’agent alcalin de la piqûre grâce à son acidité ou bien écraser de l’ail puis frotter sur la piqûre. Si la réaction locale (gonflement, douleur ou rougeur) s’aggrave dans les jours qui suivent la piqûre ou si des signes généraux d’infection tels que de la fièvre et/ou des frissons se développent consultez un médecin. En cas de piqûre dans la bouche ou dans la gorge, donnez un glaçon à sucer, consultez immédiatement un médecin ou rendez-vous aux urgences d’un hôpital. Si vous êtes piqué par une vive en bord de mer, son venin étant thermolabile, appliquez au plus vite une source de chaleur pendant 15 min (eau chaude, cigarette). Concernant les méduses, restez calme et rincez la zone à l'eau de mer. S'il reste des tentacules retirez les avec une pince à épiler et appliquez une pate de bicarbonate de soude à l'eau de mer. La douleur peut être soulagée par de l'eau à 45°.


Les huiles essentielles à la rescousse

Appliquez 1 à 2 gouttes du mélange suivant sur les piqûres (abeilles, guêpes, araignées, scorpions, moustiques, méduses, vives) toutes les 3 minutes jusqu'à amélioration des symptômes puis 3 fois/jour jusqu'à guérison complète : 3g HE lavande aspic, 1g menthe poivrée, 2g HE eucalyptus citronné, 2g géranium rosat, 2g arbre à thé.

En homéopathie : hypericum perforatum 5ch 2g 3 fois/j, en cas de gonflement soulagé par du froid, Apis mellifica 5ch et Ledum palustre 5ch 2g de chaque 3fois/jour. Si l'oedème devient violacé Tarentula cubensis 5ch 2g 3fois/jour et enfin si la zone piquée est chaude et douloureuse Belladonna 5ch 2g3fois/j.

En cas de piqûre de vipère appelez les secours et ne pas paniquer car beaucoup de morsures n'entraînent que des symptômes locaux ou ne sont que des morsures sèches sans injection de venin. Restez allongé et immobilisez le membre touché en dessous du niveau du cœur, désinfectez la plaie, enlevez tout ce qui pourrait comprimer la zone (bague, bracelet, chaussures, etc.) et surtout ne pas inciser, ni aposer de froid, ni compresser, ni faire de garrot et bannir succion ou kit contre les venins.


En savoir plus sur les venins :

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