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Nathalie Rigoulet

La Dénutrition, un mal profond qui ne touche pas seulement les pays en voie de développement

Maladie silencieuse qui touche pas moins de 2 millions de français, la dénutrition concerne principalement les personnes âgées, mais elle n’épargne pas les adultes, jeunes et enfants1.Mieux comprendre cette maladie et développer la prévention sont au coeur des lignes d’intervention.


Au niveau international, le nombre de personnes dénutries augmente depuis 2014. Dans The State of Food Security and Nutrition in the World 20202, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (Food and Agriculture Organization, FAO) annonçait que près de 690 millions de personnes, soit 8,9 % de la population mondiale, étaient sous-alimentées en 2019, soit 60 millions de personnes de plus qu’en 2014.


En France, le Programme national nutrition santé (PNNS) a, dès 2001 fait de la prévention et de la prise en charge de la dénutrition l’un de ses axes majeurs, il a été reconduit jusqu’à fin 20243. Les professionnels de santé, médecins, paramédicaux et bien entendu les diététiciens et nutritionnistes sont aux premières loges pour identifier, faire de la prévention et du suivi nutritionnel. Les associations et les attentions de chacun sont également des soutiens de poids pour combattre ce problème majeur de Santé publique.


Comprendre la dénutrition

On a tous en tête les tragédies de la faim que vivent une trop grande partie de la population mondiale. Conflits, changements climatiques, manque d’accès à l’eau potable, chocs économiques sont les principales causes de la sous-alimentation. Mais vous seriez sans doute surpris de savoir que parmi vos voisins, les jeunes et moins jeunes que vous croisez chaque jour, certains sont concernés par la dénutrition ! un état pathologique se caractérisant par un déséquilibre de la balance énergétique, c’est-à-dire une insuffisance des apports au regard des besoins nutritionnels de l’organisme. Le corps reçoit, par l’alimentation, insuffisamment d’énergie et de protéines pour bien fonctionner. À différencier de la malnutrition qui, selon l’OMS, comprend les carences, les excès ou les déséquilibres dans l’apport énergétique et/ou nutritionnel d’une personne4. Cet état nutritionnel est la conséquence d’une alimentation mal équilibrée en quantité et/ou en qualité.


La dénutrition s’accompagne très souvent d’une carence en vitamines et oligo-éléments. La conséquence est visible ! Amaigrissement important (perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou ≥ 10 % en 6 mois),diminution du tissu adipeux et de la masse des muscles du corps (sarcopénie).Le système immunitaire est affaibli augmentant le risque d'avoir une infection. La dénutrition augmente également le risque de chute donc de fracture qui a pour conséquence une perte progressive de l'autonomie. Diminution des capacités cognitives (problèmes de mémoire, de concentration…), baisse de moral et dépression, fatigue chronique, perte d’entrain et d’autonomie, dépendance et isolement peuvent aussi être associés à une situation de dénutrition. Infections, escarres, problèmes de cicatrisation des plaies et problèmes cardiaques font partie des complications médicales que les personnes dénutries sont davantage susceptibles de développer.


Le Professeur Agathe Raynaud-Simon, chef du Département de gériatrie des hôpitaux Bichat et Beaujon et membre fondateur du Collectif de lutte contre la dénutrition5 précise « Au total, 2 millions de français sont en situation de dénutrition, dont 400 000 personnes âgées vivant à leur domicile et 270 000 en EHPAD. 25% des personnes âgées sont donc dénutries, la prévention de la dénutrition est un enjeu majeur pour prévenir la perte d'autonomie associée. La dénutrition touche également 10% des enfants dans les services de pédiatrie ».


Quels facteurs peuvent favoriser la dénutrition ?

La majorité des cas de dénutrition dans les pays développés est souvent la conséquence d'une maladie (cancer, insuffisance respiratoire, cirrhose, maladie d'Alzheimer…). La dénutrition peut se développer parce que les personnes ne peuvent pas obtenir ou préparer de la nourriture (isolement social, problèmes de mobilité, de motricité, difficultés financières, dépendance,handicap…) ou parce qu’elles ont un trouble qui rend difficile l’ingestion ou l’absorption de nourriture (difficultés pour mâcher, déglutir, trouble dentaire, difficultés digestives…). La grande pauvreté, l’absence de domicile, la présence de troubles psychologiques,psychiatriques, cognitifs, neurologiques, les situations difficiles comme le deuil, font partie des facteurs repérés. En cas de pathologies chroniques, infectieuses et ou inflammatoires lespersonnes peuvent être dans l’incapacité de manger suffisamment parce qu’elles ont perdu l’appétit ou parce que les besoins en nutriments de leur organisme sont considérablement accrus. On parle d’hyper catabolisme lorsque la dégradation des protéines, lipides et glucides dans l’organisme est trop importante et n’est pas compensée par l’alimentation. C’est un mécanisme de défense immunitaire survenant à la suite de maladies et plus généralement de tout état inflammatoire aigu ou chronique. Certains médicaments comme par exemple ceuxutilisés pour traiter l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque ou le cancer diminuent l’appétit. D’autres peuvent provoquer des nausées n’incitant pas à manger, ou bien en augmentant le métabolisme vont décupler le besoin en calories et en nutriments ou encore interférer avec l’absorption de certains nutriments dans l’intestin grêle. Une consommation excessive d’alcool diminue aussi l’appétit. En endommageant le foie, l’alcool peut perturber l’absorption et l’utilisation des nutriments et provoquer des carences en magnésium, en zinc et en certaines vitamines. Les personnes jeunes (nourrissons, enfants et adolescents) sont également à risque de dénutrition parce qu’en grandissant ils ont des besoins importants en calories et en nutriments et une alimentation non adaptée peut être insuffisante pour combler ces besoins.


Les personnes âgées sont particulièrement touchées par la dénutrition. Il est étonnant de constater combien les idées reçues ont la vie dure ! Il est faux de penser que les besoins énergétiques diminuent avec l’âge alors que les apports énergétiques doivent en réalité être au moins égaux à ceux de jeunes adultes. La moitié des personnes âgées qui sont hospitalisées ou hébergées dans des établissements de long séjour ne consomment pas une quantité suffisante de calories, dans ce cas, l’organisme commence par métaboliser ses propres réserves de graisse et les utilise pour produire des calories. Une fois les réserves de graisse épuisées, l’organisme peut se mettre à métaboliser ses autres tissus, comme les muscles et les tissus des organes internes, conduisant à de graves problèmes de santé. Sandra Carlier, diététicienne-nutritionniste et éducatrice sportive, intervient régulièrement dans un Centre de prévention santé à Clermont Ferrand qui accueille des personnes vieillissantes. Elle précise « Les personnes âgées sont encore souvent dans l’idée que les protéines ne sont apportées que par la viande. Il est important de leur expliquer que ce n’est pas le cas, elles se trouvent aussi dans les œufs, le poisson, le poisson gras mais aussi dans les protéines végétales (noix, graines, légumineuses) et les produits laitiers ».



Prévenir, détecter, agir

Sensibiliser un maximum de personnes sur cette thématique, institutions, professionnels de santé, aidants et grand public est le premier point décisif. Importance d’une alimentation variée, suffisante et adaptée, de la pratique d’une activité physique régulière, d’une bonne hygiène bucco-dentaire...autant de recommandations qui doivent être connues de tous. En milieu institutionnel, l'enjeu est de redonner l'envie de manger, en prenant en compte l'ensemble des facteurs qui entourent la prise alimentaire. Améliorer l’environnement des repas afin que le repas soit un moment agréable, augmenter la valeur nutritionnelle des plats préparés avec des produits de qualité, locaux et de saison. Former les équipes de restauration afin qu’elles puissent s’adapter aux goûts et besoins des résidents. Ces points sont évidemment valables pour les aides à domicile et toutes les personnes impliquées dans la préparation des repas des personnes en situation de dénutrition ou à risques de le devenir. «Dans beaucoup d’établissement les repas sont livrés et non préparés sur place, ce qui rend quasi impossible de s’adapter aux besoins des résidents. Si une personne ne mange jamais sa viande, il serait bon que les professionnels en cherchent la raison : est-ce que la personne n’aime pas la viande ou ne peut pas la manger ? La viande peut être remplacée par du poisson ou être mixée... il existe toujours des solutions » suggère Sandra Carlier.


Peser une personne régulièrement est le moyen le plus simple de dépistage précoce de la dénutrition. Les proches et aidants sont des maillons essentiels pour relayer les informations aux professionnels de santé. La dénutrition est souvent manifeste : les personnes ont un poids insuffisant, avec des os souvent saillants, une peau sèche manquant d’élasticité et des cheveux secs qui tombent facilement. Médecins et diététiciens nutritionnistes évaluent le statut nutritionnel de la personne et proposent une alimentation adaptée qui nécessite en cas de dénutrition avérée d’être enrichie (cf encadré). En cas d’échecs des conseils nutritionnels et de l’enrichissement de l’alimentation, la prise de compléments nutritionnels oraux ou CNO est envisagées. Ce sont des aliments destinés à des fins médicales, des mélanges nutritifs complets administrables par voie orale, hyper-énergétiques et/ou hyper-protidiques, de goûts et de textures variés. Sandra Carlier souligne « Les textures et les goûts des CNO sont beaucoup plus agréables aujourd’hui(boissons, crèmes desserts, compotes, biscuit). Certains compléments alimentaires peuvent bénéficier d’un remboursement de 65 % par l’Assurance maladie, à condition qu’ils soient prescrits par les médecins.» Dans les cas très sévères de dénutrition une hospitalisation est nécessaire.

La lutte contre la dénutrition est l’affaire de tous. Nous pouvons être acteur dans cette lutte : être attentif à son prochain, comprendre et relayer l’information autour de soi, tirer si besoin la sonnette d’alarme. En espérant que des actions concrètes et adaptées soient menées à tous les niveaux de la société...à suivre.


Conseils en cas de dénutrition de la personne âgée

Consommer viandes, poissons ou œufs 2 fois/jour, produits laitiers 3 à 4 fois/jour, pain et autres aliments céréaliers, pomme de terre ou légumes secs à chaque repas, fruits et légumes 5 portions/jour, eau et jus de fruits, tisanes, etc. 1 à 1,5l/jour. Varier les huiles pour un bon apport en acides gras essentiels. Il est bénéfique d’augmenter la fréquence des prises alimentaires dans la journée et d’éviter les périodes de jeûne nocturne supérieur à 12h. Les produits riches en énergie et en protéines, de qualité et adaptés aux goûts de la personne sont à privilégier. Un repas pris dans un environnement agréable et en bonne compagnie incitent à mieux manger.


Comment enrichir l’alimentation?

L’objectif de cette pratique est d’augmenter l’apport énergétique et protéique d’une ration sans en augmenter le volume. Vous pouvez rajouter de la poudre de lait entier ou du lait concentré entier (3 cuillères à soupe = ~8 g de protéines), du fromage râpé (20 g = ~5 g de protéines), des œufs (1 jaune = ~3 g de protéines), de la crème fraîche épaisse (1 cuillère à soupe = ~80 calories), du beurre fondu ou de l’huile (1 cuillère à soupe = ~75-90 calories), ou des poudres de protéines industrielles (1 cuillère à soupe = ~5 g de protéines).

En savoir plus :

Chercher des outils et initiatives locales :


5Collectif qui regroupe une centaine d'acteurs de la société civile (professionnels de santé, association de patients, d'aidant, sociologues, économistes, ...).

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