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Photo du rédacteurNathalie Rigoulet

Le pouvoir thérapeutique des animaux

Les liens qui se tissent entre hommes et animaux sont uniques

et intriguent à plus d'un titre. La compagnie d'animaux va bien au-delà du ronron de votre chat ou de la balade en forêt avec votre chien. Dans un certain cadre, ils ont un pouvoir thérapeutique qui apporte bien-être physique, psychologique et affectif.



Il y a quelques années alors que je rendais visite à une personne âgée dans un Ephad, je m'étonnais de voir parmi les résidents un labrador. Le kinésithérapeute qui se trouvait là m'expliqua alors que ce gentil chien faisait depuis quelques temps partie du personnel soignant ! Participant activement aux exercices de rééducation des résidents atteints de maladies neurodégénératives comme Alzheimer et Parkinson. Si la « médiation animale » ou « zoothérapie » est loin d'être courante dans l'arsenal thérapeutique en France, elle prend doucement sa place pour participer à améliorer langage, mémoire, communication, problèmes relationnels, dépression et psychomotricité.


Un peu d'histoire

Les prémisses de la zoothérapie remontent au XVIIIème siècle. Un certain William Tuke, homme d'affaires philantrope fonde le York Retreat Institut en Angleterre afin d'améliorer les conditions de vie des personnes atteintes de maladies mentales. Il confie aux malades le soin journalier d'animaux et le résultat est spectaculaire. Les malades se sentent valorisés, reconstruisent une estime d'eux-mêmes et développent des liens d'attachement. Au milieu du XIXème siècle, une infirmière, Florence Nightingale, gardait une tortue à l'hopital car elle diminuait l'anxiété des patients. En 1953 le pédopsychiatre Boris Levinson parle de « catalyseur social » pour expliquer le rôle primordial que joue un animal dans le vie de personnes isolées, dépressives, vieillissantes ou handicapées physiques ou mentales. Après avoir découvert l'influence positive de son propre chien sur un jeune patient autiste, il initie la psychothérapie facilitée par l'animal. (1) L'Histoire est ainsi jalonnée de nombreux exemples saisissants.


Qu'appelle-t-on médiation animale ?

Zoothérapie ? Médiation animale ? La terminologie donnée par Jérôme Michalon, chercheur au CNRS (Université Jean Monnet de Saint Etienne) dans sa thèse Panser avec les animaux. Sociologie du soin par le contact animalier en 2014 (2) me semble plus juste : « soin par le contact animalier », qui exprime « la mise en relation intentionnelle, par un tiers, d’un animal vivant et d’un humain en souffrance et/ou en situation de handicap, dans le but de produire un bénéfice chez ce dernier ». Si bien des animaux semblent avoir des effets bénéfiques sur les humains : chat, chien, dauphin, cheval, poisson, lapin, perroquet, etc. c'est bien autour du cheval et du chien que la majorité des expériences de soins se sont orientées.


Comment ça marche ?

Vous l'aurez compris, les animaux dont on parle ici sont des animaux familiers consciencieusement sélectionnés et éduqués ! Ils travaillent en binôme avec un soignant. L'animal est dans ce cas un relai thérapeutique qui va par exemple libérer la parole ou provoquer certaines réactions dans le cadre d'une thérapie, d'une prise en charge psycho-sociale ou en rééducation. Il éveille la confiance, guide les émotions. Les thérapies classiques sont parfois confrontées à des limites face à des patients qui n'ont pas accès au langage, qui sont repliés sur eux-mêmes. L'animal est alors très apprécié car il utlise des canaux de communication moins conventionnels, il fait tomber les barrières sociales et psychologiques, il facilite le lien. Une séance individuelle dure environ une heure, elle est personnalisée en fonction des objectifs définis avec le soignant et la famille. Les séances de groupe n'exèdent pas 4 à 5 personnes. Ces soins ne sont pas pris en charge par La Sécutité Sociale.

Le chien bien plus que le meilleur ami de l'homme

En cynothérapie, le chien est passé d'animal de compagnie sans utilité définie à chien d'utilité sociale et médico-sociale. Chiens-guides d’aveugle, chiens écouteurs pour déficients auditifs et chiens d’assistance pour personnes en fauteuil roulant, ils aident la personne handicapée à évoluer dans son environnement quotidien. Mais peut-on parler de soin par contact canin ? Les premières recherches qui s'attachent à prouver les bénéfices sanitaires du contact animalier démarrent dans les années 80. Si les vertus apaisantes, relaxantes du contact avec certains animaux sont aujourd’hui bien documentées, il reste difficile d'expliquer le pourquoi du comment de ces bénéfices. Est-ce l'animal en lui-même ou le type de relation qui se joue entre l'homme et l'animal qui est en jeu ? Évaluer une pratique psychothérapeutique basée sur une dimension relationnelle, psychique et sociale est difficile à mettre en oeuvre. Le Professeur Krolak-Salmon, neurologue et gériatre, directeur médical des Hospices civiles de Lyon, s'est lancé le défi dès 2012 de démontrer l’efficacité de la zoothérapie au moyen d’une étude clinique sur deux groupes de patients ayant la même pathologie, l’un aidé du chien, l’autre non. Le chien Eliott participe à la rééducation des patients âgés aux côtés des ergothérapeutes et des kinésithérapeutes après un accident vasculaire cérébral. Elliott participe dans cette étude aux ateliers « mémoire » en hôpital de jour, pour les patients souffrant d’une maladie d’Alzheimer débutante. Mémorisation d'informations, travail sur les émotions permettent d’évaluer scientifiquement l’efficacité de ces ateliers sur la mémoire émotionnelle et l’anxiété.(3) De plus en plus de Cliniques, Hopitaux et Ephads se tournent vers la zoothérapie. Baisse de la tension artérielle, diminution des fractures du col du fémur, amélioration de la communication chez les patients autistes, diminution des troubles de l'apprentissage chez les enfants, etc. s'ajoutent aux bénéfices santé déjà évoqués. (4) L'hôpital d'Ottawa a fait le buzz ces derniers mois avec son programme de zoothérapie virtuelle imaginé pour palier à l'interdiction des visites de la Covid 19. Malgré le septicisme ambiant les soignants constatent que les patients rient, applaudissent et interagissent avec le setter irlandais qui apparaît sur l'écran de la tablette monté sur un pied à perfusion ! (5)

À vos montures !

Les kinésithérapeutes s'intéressent depuis plus de 60 ans à la rééducation par l'équitation. À la fin des années 70, le cheval prend sa place dans un cadre thérapeutique où la dimension psychique est ciblée, on parle de « thérapie avec le cheval » ou « d'hippothérapy » aux Etats-Unis. Cette vision psychothérapeutique s'est depuis beaucoup développée avec la prise en compte de son individualité et de sa grande sensibilité. L'Institut de formation en équithérapie recense de très nombreuses études, thèses et ouvrages sur le sujet. (6) Valorisation du sujet, gestion émotionnelle, confiance en soi, attention, concentration, communication, socialisation, équilibre, posture, renforcement musculaire, souplesse articulaire, mobilité globale, éveil sensitif et sensoriel, représentation du schéma corporel, orientation temporo-spatiale, image du corps, ne sont que quelques exemples des bienfaits de l'équithérapie. Le champ d'intervention est immense, handicaps moteur, sensoriel, mental, psychique, rupture sociale. Le cheval ne guérit pas, c'est le cadre instauré patient-thérapeute avec le cheval comme médiateur de cette relation qui donne des résultats étonnants. Le cheval possède des canaux sensoriels particulièrement développés, il est réceptif à tout ce qui l'entoure, un baromètre à émotions de premier ordre ! Le cheval qui ressent par exemple de la peur chez le patient va réagir d'une certaine manière. Le thérapeute qui connait bien le cheval peut ainsi comprendre ce qu'exprime le patient. Une étude menée au Centre Universitaire de pédopsychiatrie du CHRU de Tours en 2010 relate « Une évaluation quantitative des résultats a été réalisée pour six enfants présentant un trouble autistique. Les résultats montrent une nette amélioration dès la première séance d’équithérapie. Toutes les fonctions impliquées dans le développement sont améliorées, surtout celles concernant la communication, l’imitation, la régulation perceptive, émotionnelle et motrice. L’équithérapie constitue donc une rééducation efficace de la communication et de la socialisation, ainsi que de la régulation cognitivo-émotionnelle. » (7)


Qui aurait cru qu'un chien pourrait poser un diagnostic médical ?

Le journal du CNRS publiait en novembre 2020 un article très sérieux sur le sujet.(8) Il serait donc possible d'entraîner un chien à reconnaître l'odeur du coronavirus ! Il faut dire que côté odorat ils sont inégalables avec leurs 200 millions de cellules olfactives contre 5 millions chez les humains. De nombreuses recherches mettent en évidence leurs capacités à détecter le paludisme et certains cancers. Le projet KDOG lancé en 2016 à l'Institut Curie (Centre de recherche et de traitement du cancer) comporte plusieurs programmes qui le place parmi les projets de recherche les plus aboutis au monde dans le domaine de la détection du cancer du sein par odorologie canine.(9) D'autres expériences sont encourageantes dans la détection des cancers de la prostate et de l'ovaire. Alors pourquoi pas la Covid 19 ? Des chercheurs du CHU de Strasbourg et du Laboratoire des sciences de l'Ingénieur, de l'informatique et de l'imagerie et virologue au CRS ont lancé le projet COVIDOG. Ils espèrent débloquer des financements afin d'isoler l'odeur de la maladie, soit l'ensemble des molécules volatiles que libèrent les cellules infectées. Il s'agira ensuite de définir la signature de cette odeur et trouver la façon de la présenter aux chiens sans le contaminer. Les chiens doivent être capables d’identifier des porteurs du virus même si ceux-ci ne présentent que peu ou pas de symptômes. Ce type de recherche apporte beaucoup d'espoir pour la détection d'autres virus. L'Ecole nationale vétérinaire de Maison Alfort a lancé mi-février une expérimentation à grande échelle de dépistage de Covid-19 par les canidés. Cette enquête, menée sur 2.000 personnes an association avec l'Assistance publique Hôpitaux de Paris (AP-HP), et l'Agence régionale de Santé (ARS), doit confirmer scientifiquement l'efficacité de cette technique de dépistage déjà utilisée en Finlande, au Chili, dans les Emirats Arabes.


Comment contacter des professionnels de la médiation animale ?

L'Institut Français de Zoothérapie est le précurseur en France sur les formations et le 1er organisme de Formation Professionnelle en Médiation par l'Animal en France depuis 2003, vous pouvez les contacter pour obtenir les coordonnées de personnes formées dans votre région.(10) Les thérapeutes sont des professionnels du secteur médico-social qui doivent avoir suivi une formation digne de ce nom et être signataire d'une Charte éthique et de déontologie. Il doit posséder les connaissances de la lecture de l'animal et celle des pathologies des personnes accueillies.

Références :

1.B.M. Levinson, « The dog as “co-therapist” ». Mental Hygiene, 1962

2. J. Michalon, « Panser avec les animaux. Sociologie du soin par le contact animalier ». Paris : Presses de l’École des Mines – Transvalor, 2014

3. https://fondationhcl.fr/projet/!/sujet/la-cani-therapie-au-service-de-la-memoire-chez-les-malades-d-alzheimer-3/

4. https://www.bnf.fr/sites/default/files/2018-11/Zoothérapie.pdf

5. https://www.ottawahospital.on.ca/fr/un-programme-de-zootherapie-virtuelle-procure-joie-et-reconfort-aux-patients-durant-la-pandemie/

6. https://www.ifequitherapie.fr/ressources/biblio/articles-scientifiques/

7. L.Hameury, P.Delavous, B.Teste et col, « Equithérapie et Autisme », Centre universitaire de pédopsychiatrie, CHRU de Tours, 2009. https://www.emconsulte.com/article/269810/equitherapie-et-autisme

8. https://lejournal.cnrs.fr/articles/covid-19-les-chiens-renifleurs-a-la-rescousse

9. https://kdog.curie.fr

10.www.institutfrancaisdezootherapie.com

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