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Manger en conscience



Porter attention aux aliments, à l’action de manger (mastication, déglutition, etc.), aux pensées, émotions et sensations corporelles en lien avec l’alimentation, suivre son intuition et laisser de côté la culpabilité, être en paix avec les aliments...un challenge pour 2023 ?


Le ventre qui gargouille, sentir l’eau à la bouche, les papilles se réveiller et frétiller à l’odeur alléchée, prendre le temps de mâcher, de déguster et se sentir rassasié... Ecouter ses sensations, se laisser guider par son instinct, chasser les pensées parasites et se consacrer pleinement à manger. Autant de notions simples que bien peu de personnes suivent car trop pressées aux pauses repas et assaillies par l’euphorie des injonctions sociétales contradictoires. Le « Manger sain et bio » et le diktat de la minceur se percutent à la malbouffe à tous les coins de rue...Le pourcentage grandissant de personnes en surpoids et en situation d’obésité est malheureusement le signe que quelque chose cloche dans l’alimentation !


Comment en est-on arrivé à être déconnecté de notre corps et de nos émotions ? Pourquoi n’entendons-nous plus les signaux de faim et de satiété ?

Le pédiatre et professeure de méditation Jan Chozen Bays, auteure de « Manger en pleine conscience »1, explique combien l'alimentation en pleine conscience, qui consiste à porter toute son attention à l'acte de manger (aux saveurs, parfums, pensées, sensations, émotions qui accompagnent le repas) et aux aliments eux-mêmes, peut contribuer à résoudre les problèmes alimentaires. Elle évoque le fait que jusqu’à l’âge de quatre ans, les enfants savent quand ils ont faim et quand ils ont assez mangé, pour eux les repas sont secondaires dans leur période de jeu. Si nous les laissons faire, ils écoutent leur faim et font des pauses brèves mais nécessaires pour se rassasier. Adulte, le côté instinctif s’est semble-t-il volatilisé ! Au-delà de la nécessité, la nourriture est une manière de passer le temps, de se distraire, de séduire, de se faire du bien, de se mettre en valeur, de se calmer, parfois même de se punir...et notre manière de nous alimenter est bien entendu largement influencée par les habitudes alimentaires qui nous ont été transmises par nos proches et notre histoire de vie.


Que pouvons-nous faire pour retrouver les sensations alimentaires ?

Manger mieux et moins semblent le béa-ba. Le « manger mieux » gagne du terrain ces dernières décennies, en partie en raison des scandales alimentaires qui ont été largement relayés par les médias et qui ont favorisé une certaine prise de conscience d’une partie de la population. La qualité des produits, leur provenance, leur saisonnalité sont mieux considérés, on leur accorde de l’importance et les messages passent, doucement mais sûrement. À l’échelle de la planète la consommation de viande a également baissé ces dernières années2. Les blogs culinaires3, les recettes faciles relayées sur les réseaux sociaux, les émissions de télé4, les livres de cuisine connaissent un succès sans précédent incitant les gens à davantage cuisiner. Cuisiner soi-même est fondamental pour se réapproprier ses sensations alimentaires. Concernant le «manger moins » nous ne parlons évidemment pas de régimes ! Les mises en garde de l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) divulguées par les médias ont incité nombre de personnes à se méfier des soi-disant effets miracles des régimes. Le « Manger moins » constructif serait plutôt de devenir attentif à sa sensation de faim. Ai-je vraiment faim ? Ai-je le ventre qui gargouille ? Suis-je arrivé à satiété ? Cette dernière question est un casse-tête pour les personnes dont les troubles alimentaires de restrictions et/ou compulsions font partie de leur quotidien. Savoir s’arrêter quand on a assez mangé est pour certains un challenge. La satiété surviendrait plus de vingt minutes après que l’on ait commencé à manger. La perte de saveur et de plaisir sont également signes qu’il est temps d’arrêter de manger.


Régimes épinglés

L’ANSES publiait en 2010 un rapport d'expertise sur l'évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d'amaigrissement.5Le rapport met en évidence que les « régimes amaigrissants, pratiqués sans recommandation ni suivi d'un spécialiste, très largement diffusés auprès du public dans le commerce et sur Internet, présentent des risques pour la santé plus ou moins graves ». « Une des conséquences majeure et récurrente des privations et exclusions pratiquées, quelque soit le régime, est ainsi, paradoxalement, la reprise de poids, voire le surpoids: plus on fait de régimes, plus on favorise la reprise pondérale, a fortiori en l'absence d'activité physique, qui constitue un facteur essentiel de stabilisation du poids ».

Comprendre la satiété

Lorsque l’organisme a besoin de satisfaire ses cellules afin qu’elles puissent jouer leurs rôles, il donne l’alerte ! La faim est là. Une fois que nous avons mangé suffisamment, les cellules envoient un signal au cerveau pour l’informer qu’il n’est plus nécessaire de manger : c’est ce qu’on appelle la satiété, cette sensation qui indique qu’on n’a plus faim. Le centre de l’appétit et de la satiété se situe dans le cerveau, dans la glande hypothalamus. Lorsque le cerveau reçoit les signaux de satiété (sensoriels, digestifs, hormonaux) survient alors la sensation de rassasiement. Dans l’hypothalamus certains neurones ont besoin d’un neurotransmetteur, l’histamine, sécrété suite à la mastication, pour transmettre le message de satiété. Environ 15 à 20 minutes après le début du repas et donc de la mastication, l’histamine arrive jusqu’à l’hypothalamus et commande au cerveau d’arrêter de manger. L’histamine a également le pouvoir d’augmenter le métabolisme des lipides donc, en mâchant plus, on mange moins et on élimine plus…c’est pas magnifique ! Le Docteur Marie-Agnès Peyron de l’INRA (institut national de la recherche agronomique) a pu démontrer que mâcher suffisamment, sans même avaler les aliments, permettait d’obtenir une sensation de satiété plus importante6. Elle explique l’importance pour la santé d’apprendre à bien mastiquer. « Il faut mâcher le nombre de fois nécessaire jusqu’à ce que les aliments soient assez broyés et imprégnés de salive pour être transformés en bol alimentaire ».7


Suivre son intuition

« L’alimentation intuitive »8 s’est fait connaître dans les années 90 grâce aux nutritionnistes américaines Evelyn Tribole et Elyse Resch9. Cette approche rejette les régimes amaigrissants restrictifs. Être à l’écoute de son corps et suivre son intuition peuvent résumer la démarche. Avoir une relation apaisée avec l’alimentation est un véritable challenge pour toutes les personnes qui passent leur temps à essayer de maigrir et qui sont parfois littéralement obsédées par ce qu’elles mangent...Trop de restriction dérègle la relation à la nourriture, provoquant parfois des compulsions alimentaires difficilement gérables. Le Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS)10 porté par des médecins, psychiatres, psychologues, infirmières, nutritionnistes, diététicien.nes rejoint nombre de professionnels qui soutiennent cette approche. Le GROS rappelle que les régimes restrictifs équilibrés ou non « induisent une reprise de poids bien souvent supérieure à la perte, aggravent les complications médicales liées au surpoids, entrainent une mésestime de soi renforcée par les échecs répétés et quasi systématiques de chaque tentative de perte de poids et installent des troubles des conduites alimentaires ou les amplifient ». Un des objectifs du Gros est d’aider les personnes à manger de tout en adéquation avec ses sensations alimentaires, et sans culpabiliser. Mobiliser tous les sens, renouer en mangeant avec des émotions positives, retrouver le plaisir de manger et apaiser le rapport trop souvent conflictuel à la nourriture, en arrêtant par exemple de compter les calories ou de bannir certains aliments. Identifier ses besoins, prêter attention au plaisir gustatif et s’arrêter lorsque ce plaisir faiblit, bref ! manger en fonction de ses besoins peut prendre du temps, beaucoup de temps parfois.

Manger en conscience et suivre son instinct font partie d’une démarche holistique plus large d’équilibre de vie.

Petits conseils pour retrouver le plaisir de manger

Commencer par renoncer aux régimes et aux restrictions imposées au quotidien. Attendre d’avoir faim pour manger ; la soif pouvant être interprétée comme de la faim, penser à boire un verre d’eau avant le repas. Déjeuner en paix, sans radio, télé, téléphone, PC ou journaux. Prendre le temps de regarder, de humer puis de déguster doucement votre repas, en mastiquant longtemps et en faisant des pauses. Si le besoin d’un en-cas ou grignotage est prégnant, il est tout à fait possible de se l’accorder à condition de s’asseoir pour le manger, l’apprécier, prendre du plaisir. Noter sur un carnet ce qu’on mange et ce qu’on éprouve comme émotion est un exercice très utile pour prendre conscience de ce qu’on cherche dans certains aliments : plaisir, réconfort, apaisement, addiction…? Soyez bienveillant envers vous-même,

vous reprocher des excès éventuels serait contre-productif. Il est beaucoup plus utile de garder en tête l’importance d’attendre d’avoir faim pour commencer le repas suivant. Le plaisir passe par d’autres biais que l’alimentation, alors cultivez les petits plaisirs pour embellir la vie... Si l’envie de sucre est trop forte, mâcher !

Selon une étude menée par des chercheurs du Pennington Biomedical Research Center et de la Louisiana State University à Baton Rouge et publiée en 200911, mâcher trois chewing-gums sans sucre dans l'après-midi réduit significativement l'envie de collations et particulièrement de produits sucrés. Mâcher ces chewing-gums participe également à l'hygiène bucco-dentaire en augmentant la production de salive. L’idéal est évidemment de choisir des chewing-gums sans édulcorants.


1J. Chozen Bays, « Manger en pleine conscience », Ed. Le Jour Eds, 2011

2https://www.letemps.ch/economie/baisse-inedite-consommation-viande-monde

3https://www.cairn.info/revue-reseaux-2014-1-page-31.htm

4https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/affaire-en-cours/emissions-culinaires-la-recette-d-un-succes-televisuel-qui-dure-9165652

5https://www.anses.fr/fr/content/régimes-amaigrissants-des-pratiques-à-risque

6https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/28029687/

7https://www.lanutrition.fr/bien-dans-son-assiette/les-regimes-sante/le-regime-mastication/marie-agnes-peyron-l-il-faut-apprendre-a-nos-enfants-a-bien-macher-r

8https://alimentation-intuitive.com

9 E. Tribole, E. Resch, “Intuitive Eating : A Revolutionnary Program That Work”, Ed. St. Martin's Griffin, 1995

10https://www.gros.org

11https://www.sciencedaily.com/releases/2009/04/090419133824.htm

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