La constipation fonctionnelle, comprendre pour agir
- Nathalie Rigoulet

- il y a 2 jours
- 9 min de lecture
Les personnes qui ont de belles selles régulières ne savent pas la chance qu’elles ont ! La constipation impacte la qualité de vie et les personnes concernées sont prêtes à tout essayer pour se libérer ! Comment reconnaître cette constipation et que connaît-on des actions naturelles efficaces pour la soulager ?

La constipation fonctionnelle est de loin la plus fréquente, elle entre dans le cadre des colopathies fonctionnelles (syndrome de l'intestin irritable). Elle est généralement liée à une activité physique insuffisante, à une alimentation pauvre en fibres et/ou à des apports insuffisants en eau de boisson, à une perturbation du réflexe de défécation, une dystonie neurovégétative (trouble de l’influx nerveux au niveau du nerf pneumogastrique), parfois des lésions anales douloureuses (fissure anale ou poussée d'hémorroïdes). Certaines situations particulières peuvent aussi expliquer ces blocages : grossesse, alitement, immobilisation, voyage, stress important, mauvaises habitudes aux toilettes, la prise de certaines médicaments, etc. On parle de constipation chronique lorsqu’elle dure six mois ou plus. La constipation fonctionnelle est dite primaire pour la différencier de la constipation secondaire qui est un symptôme révélateur d'une autre affection (cancer, maladie de Crohn, mégacôlons, affections neurologiques, etc.).
Comment reconnaître une constipation fonctionnelle ?
Lorsqu’il y a moins de trois évacuations de selles par semaine et lorsque dans plus d’un quart des défécations il y a des efforts de poussée importants, des selles dures ou très fermes, une sensation d’évacuation incomplète, une sensation d’obstruction ou de blocage anal, utilisation des doigts pour faciliter la défécation et possibilité de selles liquides ou molles en l’absence de prise de laxatifs. Le dernier point évoqué a toute son importance car des selles liquides peuvent être le signe de fausses diarrhées, conséquence d’une constipation chronique. Dans ce cas, il y a évacuation d’un bouchon dur avant l’apparition de selles molles voire liquides. Cette phase de diarrhée précède en général le retour à une nouvelle phase de constipation. Les douleurs abdominales et les ballonnements peuvent être associés à la constipation mais elles ne figurent pas au premier plan de la symptomatologie. L’amélioration du transit met généralement fin à ces douleurs. Si toutes ces indications peuvent vous mettre sur la voie, seul le gastro-entérologue peut poser le diagnostic de la constipation fonctionnelle grâce au recueil des symptômes, l’interrogatoire du patient, l’examen clinique suivi d’un examen biologique et si besoin d’une radiographie de l’abdomen et /ou d’une coloscopie, voired’examens complémentaires.
Les eaux minérales à la rescousse ! Mais pas n’importe lesquelles !
Il est délicat depuis le scandale dévoilé en 2022 mettant en lumière qu’au moins 30% des marques d'eau font l'objet de traitements non conformes à la réglementation, d’encenser les bienfaits des eaux minérales mais concernant notre sujet, reconnaissons que certaines d’entre elles ont des vertus intéressantes.
Les Drs Christophe Dupont et Guillaume Hébert ont publié1en 2020 une revue des études sur les eaux riches en sulfate de magnésium. Trois de ces eaux ont été évaluées dans quatre études en double aveugle versus placebo et le résultat est unanime : un effet laxatif est mis en évidence avec peu de risques d’effets indésirables. Les données actuelles relatives aux eaux minérales naturelles riches en sulfate de magnésium indiquent clairement qu'elles peuvent représenter un traitement naturel pour les patients adultes atteints de constipation fonctionnelle. Au regard des résultats rapportés, les auteurs suggèrent qu'au moins 20 mMol de sulfate de magnésium soient consommés quotidiennement pendant au moins une semaine, ce qui correspond par exemple à à 0,5 L de Donat Mg ou à 1 L d'Hépar. À noter qu’une attention particulière doit être portée à l’ensemble de la composition des eaux minérales. Au vu des recommandations actuelles de l'OMS concernant la consommation de sodium (soit ≤ 2000 mg/jour), certaines eaux peuvent être inappropriées pour les patients à risque d'hypertension ou de maladies cardiovasculaires.
L’alimentation, pièce maîtresse pour lutter efficacement, preuves à
l’appui
L’eau est une chose mais le Dr Lei Zhang et son équipe2 se sont penchés sur les effets d’une alimentation riche en magnésium dans une étude constituée de 9519 participants publiée en 2021. Les résultats montrent que le quartile de participants ayant l’alimentation la plus riche en mg avait presque deux fois moins de risques de constipation chronique (basée sur la fréquence des selles) que le quartile ayant l’alimentation la plus pauvre.
Une étude de 2022 du Dr Shuai Yang et de son équipe3s’est intéressée au lien entre apport énergétique de l’alimentation et transit intestinal. Les résultats montrent qu’un régime hypocalorique entre 1215 et 1507 kcal/j, augmentait de plus de 50 % le risque de constipation chez les femmes ; ce qui est tout l’inverse chez les hommes ! Une diminution des apports alimentaires entrainant une diminution de la motilité du côlon, les résultats ne sont guère surprenants mais rien n’explique cette différence entre hommes et femmes. D’autres études approfondies sont à suivre.
Et les aliments transformés dans tout ça ! N’auraient-ils pas un impact sur le fonctionnement intestinal ? C’est le Dr Chun-Han est son équipe4qui se sont intéressés au sujet. Les résultats publiés en 2024 montrent que les produits ultra-transformés représentaient 26,5 % des apports des 12 716 participants. L’étude met en lumière que plus l’apport en produits ultra-transformés est important, plus le risque de constipation est élevé, de plus une consommation accrue de produits peu transformés va de pair avec un risque de constipation diminué de plus de 50 %.
Une étude de 2023 du Dr Gamze Yurdas Depboylu5incluant 883 adultes de plus de 65 ans vivant en maison de retraite évaluait à 32,2 % de femmes et 25,8 % d’hommes qui souffraient de constipation fonctionnelle. Leurs apports alimentaires manquaient d’énergie, de liquides, eau, protéines, glucides, magnésium, zinc, phosphore, potassium, fibres solubles et insolubles...Les participants ayant des apports en eau les plus faibles avaient un risque de constipation jusqu’à deux fois plus élevé ! Faible apport en eau, en fibres et malnutrition sont les principaux risques de constipation fonctionnelle pour les sujets âgés.
Petit tour du côté du microbiote
Les micro-organismes qui peuplent l’intestin constituent le microbiote, ils peuvent influencer les processus physiologiques et physiopathologiques du corps humain. Le Dr Katarzyna Ferenc6et son équipe ont repris toutes les publications qui étudiaient les mécanismes épigénétiques7pouvant soulager l’inflammation, réduire le stress oxydatif et améliorer l’état du microbiote intestinal avec le maintien d’un apport alimentaire correct en vitamine D, fer, fibres, zinc et magnésium. Il semble que la modulation du microbiote par différents nutriments puisse conduire à une régulation épigénétique. Rappelons que les processus épigénétiques sont très importants pour la croissance et la prolifération cellulaire, que ces processus peuvent être induits par l’environnement et que les conséquences de ces mécanismes peuvent être réversibles. On sait aujourd’hui que des anomalies dans la composition et l’abondance du microbiote intestinal sont associées à des maladies chroniques telles que les maladies inflammatoires de l’intestin, les troubles métaboliques et le cancer. Ce que l’on sait : la vitamine D joue un rôle très important dans la réponse immunitaire mais également dans la régulation de la réponse inflammatoire et le maintien de l’homéostasie intestinale. Le fer semble aussi jouer un rôle essentiel dans la réplication et la survie de la plupart des bactéries. La magnésium quant à lui est majeur dans le maintien de la perméabilité intestinale et le zinc contribue à maintenir la diversité du microbiote, limite le risque de dysbiose8 et est impliqué dans les mécanismes de réparation de la muqueuse intestinale. Les fibres, en favorisant la production d’acides gras à chaîne courte favorisent entre autres la synthèse de vitamines B, K2 et A. Les probiotiques sont souvent évoqués pour harmoniser le microbiote mais il existe de nombreux types de probiotiques sur le marché, chacun ayant des souches bactériennes spécifiques et des propriétés différentes. Pour traiter la constipation, les compléments alimentaires qui contiennent des souches telles que Bifidobacterium bifidum, Lactobacillus acidophilus, et Lactobacillus rhamnosus ont démontré leur efficacité dans le soulagement de la constipation chronique et occasionnelle9. Nous vous encourageons à vous renseigner auprès de votre pharmacien ou votre médecin afin de choisir des probiotiques de qualité qui respectent les normes en rigueur. Cependant, rien ne remplace une alimentation équilibrée !Pour clore sur la sujet du microbiote, n’oublions pas qu’une activité physique régulière et modérée semble très bénéfique à la diversité du microbiote intestinal10.
Comment agir au quotidien ?
Commencer par ne pas oublier de boire entre les repas tout au long de la journée. Les jus d'agrumes (orange, pamplemousse…) sont d'excellents laxatifs naturels en cas de constipation passagère ainsi que les plantes laxatives à effet de lest qui sont riches en fibres de polysaccharides, les mucilages, qui ont la propriété de gonfler en présence d’eau et qui vont aider à réhydrater le bol alimentaire. Ces fibres jouent également le rôle de prébiotique pour la flore intestinale. Les gommes, à l’image de la gomme d’acacia, les fruits à pectine (pommes, figues tamarin), le pruneau, les graines riches en fibres (graines de lin et de psyllium11) et les sons ( avoine, blé…) sont des alliés efficaces. Les graines de chia peuvent également êtreutilisées moulues et saupoudrées sur les aliments. Un transit régulier nécessite une alimentation riche en fibres naturelles qui aident l’intestin à éliminer les déchets. Il est donc primordial de consommer fruits et légumes frais et secs, céréales complètes (riz, pâtes, pain….), légumineuses (pois, fèves, lentilles…) et graines oléagineuses (tournesol, colza, pavot…). Généralement, 30 à 45 grammes de fibres sont nécessaires à un bon transit intestinal12.
Vous l’aurez compris, l’activité physique est aussi importante qu'avoir une alimentation équilibrée, elle stimule le transit intestinal et le côlon paresseux. On ne parle pas forcément de sport, marcher, monter les escaliers, jardiner permettent de réduire le temps de sédentarité néfaste pour le transit.
Se masser le ventre dans le sens des aiguilles d’une montre, le sens du transit intestinal, avec quelques gouttes d'huile essentielle de gingembre ou de basilic dans une huile végétale est une routine bénéfique pour donner un coup de pouce au transit (pratique déconseillée aux femmes enceintes et très jeunes enfants sans avis médical et de votre pharmacien). Une respiration ventrale ample qui masse les organes internes peut accompagner ce massage.
Le stress perturbe et augmente l’action du système orthosympathique qui ralentit le transit. Il est ainsi utile d’envisager d’agir sur ce stress en mettant le doigt sur les raisons qui l’engendrent et en mettant en place des activités relaxantes (méditation, respiration, massage, yoga…activités créatives, etc.).
Manger à heures régulières et prendre le temps d’aller à la selle de manière régulière créent une régularité bénéfique. Rien ne presse...les différents muscles qui permettent l’évacuation des selles doivent être détendus pour bien fonctionner. Aller aux toilettes chaque jour à la même heure éduque vos intestins et vos muscles...soyez patient.
La position idéale
À quand le retour des toilettes turques ? Nos toilettes sont bien trop hautes ! Pour faciliter la mécanique de défécation, les genoux doivent être plus hauts que les hanches, ainsi la position plus alignée du rectum et du canal anal optimise l'évacuation des selles. Le but est de s'approcher de la position accroupie, tout simplement! Placer un banc au sol sous les pieds permet d'accéder à cette posture. Les pieds doivent être en appui complet au sol et idéalement écartés, pencher ensuite le tronc en arrondissant légèrement le dos, puis, appuyer les coudes sur les cuisses. Essayer de se détendre puis respirer profondément et expirer par la bouche, ce qui contracte naturellement et légèrement les abdominaux profonds en amenant les selles vers la sorti.
Deux positions de yoga pour améliorer le transit
La pince : Paschimottanasana
Assis, dos droit, jambes tendues, inspirez et penchez-vous vers l’avant, le ventre vers les cuisses. Expirez, attrapez mollets, chevilles ou pieds dans vos mains, sans forcer. Si vous le pouvez, posez la tête sur les jambes.

Le squat profond : Malasana
Cette posture est à adopter le plus souvent possible : elle stimule les intestins, pour une meilleure évacuation des selles. Pieds à largeur de hanches, descendez dos droit jusqu’à vous accroupir, pieds à plat.
Placez vos mains en prière et laissez les genoux s’élargir. Allongez le torse vers l’avant pour le placer entre vos genoux si vous le pouvez. Si vos talons ne touchent pas le sol, placez une couverture pliée dessous.

1C. Dupont, G. Hébert, « Magnesium sulfate-rich natural mineral waters in the treatment of functional constipation-a review », Nutrients, 2020.
2 L. Zhang, Z. Du, Z.Li and al, « Association of dietary magnesium intake with chronic constipation among US adults: Evidence from the National Health and Nutrition Examination Survey », Food science & nutrition, 2021.
3 S.Yang, X-L. Wu, S-Q.wang and al., « Association of dietary energy intake with constipation among men and women: results from the National Health and Nutrition Examination Survey », Frontiers in nutrition, 2022.
4 C-H Lo, L. Zhao ; E.M Steel, « Association of ultra-processed food and unprocessed of minimally processed food consumption with bowel habits among U.S Adults », Clinical gastroenterology and hepatology : the official clinical practice journal of the American Gastroenterological Association, 2024.
5 G.Y Depboylu, N.A Tek, G. Akbulut and al. « Functional constipation in elderly and related determinant risk factors: malnutrition and dietary intake », Journal of the American Nutrition Association, 2022.
6 K. Ferenc, A. Sokal- Demboska, K. Helma, « Modulation of the gut microbiota by nutrition and its relationship to epigenetics », International journal of molecular sciences, 2024.
7 « l’épigénétique correspond à l’étude des changements dans l’activité des gènes, n’impliquant pas de modification de la séquence d’ADN et pouvant être transmis lors des divisions cellulaires. Contrairement aux mutations qui affectent la séquence d’ADN, les modifications épigénétiques sont réversibles ». Inserm 2015
8 déséquilibre de la biodiversité de notre flore intestinale (baisse importante du nombre de bactéries présentes dans notre flore intestinale, augmentation des mauvaises bactéries au détriment des bonnes bactéries, flore intestinale héritée naturellement pauvre en bonnes bactéries)
9F.C.R Mitelmão,K. Häckel, C. de Cassia Bergamaschi Motta and al « The effect of probiotics on functional constipation in adults: A randomized, double-blind controlled trial », Medicine, 2022.
11Tous les bienfaits du psyllium sur https://www.alternativesante.fr/intestins/le-psyllium-ancetre-des-laxatifs








Commentaires