Mieux comprendre la sarcopénie pour la gérer au quotidien
- Nathalie Rigoulet

- il y a 18 minutes
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L’organisme change en vieillissant et parmi ces modifications s’immisce une perte progressive de masse musculaire. Afin de ne pas basculer dans la dystrophie musculaire, une attention particulière doit être apportée à la nutrition et à l’activité physique.
La sarcopénie encore nommée dystrophie musculaire liée à l’âge, est une maladie musculaire complexe qui affecte entre 10 et 16 % des personnes âgées de plus de 50 ans et 30 % à 60 % des plus de 70 ans. Elle se caractérise par une perte excessive de la masse musculaire, de la force et de la fonction musculaire (définie de manière consensuelle par le groupe européen EWGSOP The European Working Group on Sarcopenia in Older People1). Malgré les multiples études qui visent à comprendre les mécanismes physiologiques qui sous-tendent cette pathologie, la sarcopénie conserve une part de mystère.
Le muscle est un tissu vivant constitué de 20 % de protéines, 1 à 2 % de la masse musculaire se renouvelle quotidiennement. Le muscle est donc soumis à un phénomène de destruction appelé protéolyse et de construction appelé protéosynthèse qui permettent de dégrader les protéines usées et d’en élaborer de nouvelles. Ces deux phénomènes se produisent de manière équilibrée. En vieillissant cet équilibre est rompu laissant place à une destruction légèrement supérieure à la construction, résultat ! La masse musculaire diminue progressivement. La perte de masse musculaire serait de 30 % à 50 % entre 50 et 80 ans mais dès 30 ans s’immisce une dégénérescence du tissu musculaire, de 3 à 8 % par décennie. À 70 ans nous avons perdu la moitié de notre masse musculaire au profit du tissu adipeux2. Si cette diminution est normale, on parle de sarcopénie lorsqu’elle s’accompagne de perturbations telles que la diminution de la force musculaire et/ou des performances physiques.
Une pathologie multi-factorielle
Les laboratoires de l’INRAE, l’UMR UNH à Clermont-Ferrand et l’UMR CarMeN à Lyon, ainsi que les Centres de recherche en nutrition humaine d’Auvergne et de Rhône-Alpes s’intéressent depuis une trentaine d’années à la sarcopénie et à la dépendance de la personne âgée. Ces différentes équipes ont mis en évidence une origine multifactorielle de la sarcopénie : sédentarité, malnutrition, dénutrition, pertes de capacité de récupération musculaire et diminution de l’absorption des protéines alimentaires au cours du vieillissement3. Mais d’autres facteurs interviennent également : l’altération de la commande nerveuse de la contraction musculaire, la diminution du taux de certaines hormones dites anabolisantes qui retentit de manière négative sur la synthèse protéique, des apports nutritionnels insuffisants notamment en protéines. Une inflammation chronique et le stress oxydatif en lien avec une dysfonction des mitochondries (indispensables aux réactions énergétiques de la cellule) est également évoqué, tout particulièrement chez les personnes âgées sédentaires. Certaines affections et traitements peuvent également contribuer à une perte supplémentaire de force et de masse musculaires. Le vieillissement entraîne une diminution du nombre et de la taille des fibres musculaires, les muscles deviennent plus petits et plus lents.
Comment dépister ?
Différents test simples tels que la mesure de la force de préhension au moyen d’un dynamomètre, la vitesse de marche, le temps pour se lever d’une chaise donnent des informations précieuses et guident vers un diagnostic de sarcopénie qu’il s’agit de confirmer par une évaluation de la masse musculaire. Un certains nombres d’outils permettent de dépister certains critères de fragilité. Le questionnaire SARC-F est la première étape du diagnostic. Si le score obtenu aux cinq questions est supérieur à 4, une présence de sarcopénie est à supposer qui devra être confirmée par d’autres étapes diagnostiques.
Testez-vous ou testez votre entourage
Question 1 : Avez-vous des difficultés à lever/transporter 4,5 kg ? Non = 0, un peu=1, beaucoup ou incapable=2
Question 2 : Avez-vous des difficultés à traverser une pièce ? Non = 0, un peu=1, beaucoup ou incapable=2
Question 3 : Avez-vous des difficultés à vous lever d’une chaise sans vous aider de vos mains ? Non = 0, un peu=1, beaucoup ou incapable=2
Question 4 : Avez-vous des difficultés à monter 10 marches d’escalier ? Non = 0, un peu=1, beaucoup ou incapable=2
Question 5 : Combien de chutes avez-vous faites ces 12 derniers mois ? Non = 0, un peu=1, beaucoup ou incapable=2
Ce test diagnostique avec précision l’absence de maladie mais sa valeur prédictive n’est que de 42 %, ce qui signifie qu’une personne qui obtient un score supérieur à 4 a 42 % de risque d’être sarcopénique et doit en référer à son médecin qui lui fera passer des tests complémentaires. L’évaluation de la force de préhension avec un dynamomètre vient appuyer le premier test. En cas de force musculaire faible d’autres tests sont préconisés. Le test du « get up and go» pour lequel la personne est chronométrée de sa position assise sur une chaise puis se lève et marche 3m et revient s’assoir. Un temps de plus de 30s indique une mobilité réduite. D’autres tests tel que le SPPB (Short Physical Performance Battery) qui rassemble des tests d’équilibre, de vitesse de marche et de lever de chaise évalue la performance physique et complète le diagnostic. Peut également être évaluée la circonférence du mollet qui est positivement corrélée avec la force musculaire.
Selon les résultats de ces tests et mesures, le médecin sera à même de juger de la nécessitéd’évaluer la qualité et la quantité musculaire par des mesures de composition corporelle ou des techniques d’imageries médicales qui permettront de confirmer la présence de la sarcopénie.4
Que faire pour lutter contre la sarcopénie ?
Il est reconnu que l’action combinée de l’exercice physique et de la nutrition permet de limiter et de retarder la sarcopénie. Le niveau de mobilité joue un rôle primordial. Plus la personne vieillissante a une mobilité réduite, plus la prévalence de la sarcopénie est haute.
L’activité physique, un levier pour combattre la sarcopénie
La pratique régulière de l’exercice physique est reconnue comme étant le meilleur moyen de préserver la masse et la fonction musculaire au cours du vieillissement56. Deux types d’activités physiques sont recommandées, adaptées aux besoins et à l’âge des individus. L’activité d’endurance encore appelée activité en aérobie utilise l'oxygène dans le processus de génération d'énergie pour les muscles. Pendant les exercices d'aérobie nos poumons et notre cœur travaillent dur pour fournir de l'oxygène au corps. Le corps utilise cet oxygène pour décomposer les sources d'énergie comme les graisses et le glucose afin de libérer l'énergie. Ce type d'exercice améliore notre condition cardiorespiratoire, circulatoire, les fonctions musculaires et diminue la masse grasse. Marche, vélo, jogging, natation sont des activités aérobies.
Mais l’idéal est de faire également des exercices complémentaires dits d’anaéorobie qui ne nécessitent pas d’oxygène pour libérer de l’énergie.
Pendantces exercice, notre corps travaille intensément sur une courte durée et a donc besoin d'énergie rapidement. Cette énergie provient de composants déjà stockés dans notre corps et facilement disponibles. Ce processus ne nécessite pas d'oxygène, mais la quantité d'énergie qui peut être libérée de cette manière est assez limitée. Les exercices d'anaérobie, comme l'entraînement en force et en puissance, améliorent la puissance musculaire, la force et lataille. Sprint, haltérophilie (poids libres ou machines de résistance), exercices avec bande de résistance et exercices de musculation (ex. pompes, tractions, squats, fentes) sont des exemples d'exercice d'anaérobie. Les exercices réguliers d'anaérobie augmentent la densité de notre masse osseuse, en ralentissant la perte osseuse naturelle qui survient avec l'âge et réduisent ainsi le risque d'ostéoporose. La pratique régulière d'exercices de résistance améliore également la force musculaire.
Prêts ! Partez !
Voici quelques conseils que vous pouvez mettre en œuvre si vous êtes en bonne santé en suivant les préconisations de l’OMS.7
Des exercices cardio-respiratoires tels que marche, marche nordique, natation, travaux ménagers, montée d’escalier, jardinage, course à pied...30 min / jour d’activité physique d’intensité modérée (avec un faible essoufflement) ou bien 15 min /jour si l’intensité est élevée (essoufflement élevé). Pour le renforcement musculaire, sont conseillés marche, gymnastique aquatique ou d’entretien, vélo, jardinage, musculation...qui sollicitent jambes, hanches, dos, abdomen, poitrine, épaules et bras au moins 2 j /semaine, de préférence non consécutifs. Travailler l’équilibre avec le vélo, la danse, le yoga, des exercices d’équilibre sur une jambe ou sur la pointe des pieds...au moins 2 j /sem. Et pour clore la boucle vous pouvez travailler les assouplissements avec yoga, tai-chi, pilate, étirements et assouplissements...au moins 2 j/sem pendant 10 min. Si vous avez plus de de 65 ans et des problèmes de mobilité, il est recommandé de pratiquer une activité physique au moins 3 j/sem pour améliorer l’équilibre et éviter les chutes. En cas de problèmes de santé et d’incapacité à atteindre les durées recommandées soyez aussi actifs que possible ! Vous pouvez également faire appel aux associations et structures sportives qui proposent des APA (activités physiques adaptées).
Côté nutrition, les protéines retiennent toute l’attention
Les spécialistes s’accordent sur le fait que les séniors ont besoin de 1g à 1,2g /kilo de poids /jour voire plus si une pathologie est associée. Un sénior de 60 kgs a donc besoin de 60 à 72g de protéines chaque jour. À titre d’exemple, il y a 18 à 20g de protéines dans 100g de viande, de poisson, 2 gros œufs, 70g d’emmental, 4 yaourts, 1/2l de lait, 180g de fromage blanc, 150g de pâtes cuites + 150g de haricots rouges, 250g de semoule cuite+ 100g de pois chiches. Sachez que les protéines de lait sont plus efficaces que les protéines de soja. Certaines expérimentations menées dans des services gériatriques de pointe suggèrent qu’il est plus efficace de concentrer l’apport en protéines sur un repas8, par exemple 80 % au déjeuner mais ce n’est pas aisé de mettre en place cette stratégie à domicile au quotidien.
Négliger la sarcopénie est source de multiples problèmes !
Trop souvent ignorée, la sarcopénie est un véritable problème de santé publique. Elle affecte la qualité de vie, elle augmente les complications infectieuses, les besoins de soins de réadaptation et les risques d’ostéoporose, de chutes, d’invalidité, de durée moyenne de séjour d’hospitalisation et de décès ainsi que les coûts d’hospitalisation. Dépister, être attentif aux signaux d’alerte, bien manger et faire de l’activité physique sont les meilleures des préventions.
Des complémentations pour lutter contre la sarcopénie
Une complémentation en L-Citrulline et en Leucine, deux acides aminés, permet d’augmenter la masse, la force et la fonction musculaire910. Rapprochez-vous de votre pharmacien afin de vous procurer des acides aminés de qualité qui contiennent 100% d’acides aminés. Si la vitamine D n’a pas montré d’efficacité sur la sarcopénie, elle agit sur la réduction du nombre de chutes liées à la faiblesse musculaire chez les personnes de plus de 65 ans. Il est conseillé chez les personnes âgées de consommer 800 à 1000 UI de vitamine D3 par jour, à associer avec le calcium en prévention de l’ostéoporose.

2 HN. Munro « Adaptation of body protein metabolism in adult and aging man », Clinical Nutrition,1982.
4 A.J Cruz-Jentoft, G. Bahat , J. Bauer et al. « Sarcopenia : revised European consensus on definition and diagnosis ». Age Ageing, 2019.
5 Y. Shen, Q. shi, K. Nong and col. « « Exercice for sarcopenia in older people : A systematic review and network meta-analysis », Journal of Cachexia, Sarcopenia and Muscle, 2023.
6 B. Langhammer, A.Bergland, E.Rydwik, « The Importance of physical Activity Exercice among Older People », BioMed Research International, 2018.
8C. Aussel, E. Woelffle, Pauline Lemoigne and al, « Une nouvelle stratégie nutritionnelle pour lutter contre la dénutrition et la sarcopénie : le régime protéique pulséA new nutritional strategy against malnutrition and sarcopenia: Protein pulse feeding”, Cahiers de Nutrition et Diététique, 2013.








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